Stoppons l'Accord de partenariat économique qui appauvrirait l’Afrique de l’Ouest !

Depuis les années 90, le commerce international s'est libéralisé sous l'égide de l'Organisation Mondiale du Commerce (OMC). Puis une fois cette dernière bloquée dans des négociations sans fin, ce mouvement s'est prolongé à travers les Accords de Partenariat Économique (APE). Ces APE fixent entre deux pays ou deux groupes de pays les secteurs d'activité pour lesquels le commerce entre ces deux territoires verront les barrières douanières abaissées voire supprimées. Sur le papier, ces APE sont « gagnant-gagnant », permettent d'inciter aux échanges commerciaux internationaux, et participent à la croissance. Dans un monde marqué par des inégalités économiques immenses entre pays, c'est bien sûr le pays le plus riche qui obtient un avantage sur le pays le plus pauvre.
L'agriculture ouest-africaine doit pouvoir se protéger pour pouvoir nourrir
ActionAid - Peuple Solidaires

La France et l'Union Européenne (UE) ont souvent été du « bon » coté du manche et profité de nombreux APE avec des pays dits « en voie de développement », empêchant notamment le développement de filières de production alimentaire locale. Cela a été pendant longtemps l'objet de la Campagne AlimenTerre qui demandait la fin de l'exportation de lait en poudre européen subventionné vers l'Afrique afin de permettre aux éleveurs de créer des filières laitières locales.

Plus récemment, les Français et les Européens ont pris conscience du caractère inique de ces accords avec le CETA et le TAFTA, des APE entre l'UE et respectivement le Canada et les États-Unis. Pour la première fois, risquant d'être du mauvais côté de l'accord, les sociétés civiles se mobilisent comme jamais contre ces accords de libre-échange. Cette mobilisation positive, ne doit pas nous faire oublier que dans le même temps l'UE est en train d'imposer aux pays de l'Afrique de l'Ouest un APE qui va empercher toute mesure de protection commerciale pour les pays ouest-africains, allant même au-delà des recommandations de l'OMC. Ainsi, demain le Sénégal (2200 € de PIB/hab) aura moins de protection commerciale envers l'UE que la Moldavie (3800 € de PIB/hab).

Ces accords ne sont pourtant pas l'horizon indépassable du commerce international. Ainsi, jusqu’en 1990, les Guinéens consommaient des pommes de terre importées principalement des Pays-Bas. La production locale, faible (moins de 200 tonnes), chère et de médiocre qualité ne pouvait faire face à la concurrence. La Fédération des paysans du Fouta Djalon (FPFD) considérait pourtant que cette filière pouvait se développer. À partir de 1992, suite à une forte mobilisation, elle obtient du gouvernement le blocage des importations durant 5 mois par an, correspondant à la période de commercialisation de la pomme de terre locale. Parallèlement, avec l’appui des autorités guinéennes ainsi que de partenaires étrangers, la FPFD a mené un important programme d’appui aux paysans afin d’améliorer la qualité et la productivité : approvisionnement en semences et en engrais, crédit, formation, etc. Résultat : en 1998 la production locale est devenue compétitive et les importations quasi nulles. L’interdiction d’importation a été levée sans que cela n’empêche la filière de continuer à se développer au point de devenir exportatrice vers les pays voisins. En 2013, la production atteignait 35 000 tonnes, dont 25 000 étaient exportées. Cet exemple, de même que celui des filières avicoles au Cameroun, de l’oignon au Sénégal ou du lait au Kenya, montre que la protection des marchés accompagnée d’une politique agricole peut contribuer au développement. C’est d’ailleurs ce qu’a fait l’UE en adoptant, dès 1962, une politique agricole commune (PAC).

Si nous reconnaissons encore les valeurs de solidarité et de justice, nos luttes contre le TAFTA et le CETA doivent aussi s'étendre à une lutte contre ces APE. Le CFSI, SOL et Peuples Solidaires-ActionAid France lance une pétition pour interpeller nos représentants à l'UE sur cette question. La fédération Ingénieurs sans frontières et le groupe Ingénieurs sans frontières Agricultures et souveraineté alimentaire, engagés depuis longtemps contre ces accords, ont décidé de soutenir cette pétition et vous invitent à la signer.

SIGNEZ LA PÉTITION EN CLIQUANT ICI

Pour creuser le sujet, vous pouvez aussi lire le dossier détaillé (8 pages) de la coalition d'ONG Concord.

2 juillet 2016
Tanguy MARTIN
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Groupe ISF