Aberrant, l’affichage environnemental RISQUE DE PROMOUVOIR l’agriculture intensive !
L'analyse technique décontextualisée amène à promouvoir l'agriculture industrielle. C'est pourquoi ISF AgriSTA s'associe à un collectif de 16 associations et syndicats pour dénoncer l’utilisation hors contexte de la base de données Agribalyse et demander une révision de la copie du cahier des charges de l’étiquette environnementale voulue par les pouvoirs publics. Nous reproduisons ci-dessous le communiqué commun expliquant cela en détail.
La loi relative à la lutte contre le gaspillage1 prévoit l’entrée en vigueur fin 2021 d’une étiquette environnementale – le futur « Ecoscore » - pour les produits agricoles et alimentaires. Mieux informer les consommateur·rices sur l’impact environnemental des produits est une excellente initiative. Encore faut-il que la méthode utilisée intègre tous les critères de durabilité ! Or, pour le moment, la méthode envisagée2 pour servir de base à cet Ecoscore ne prend pas correctement en compte les atteintes à la biodiversité et l’impact des pesticides. En effet, les impacts environnementaux calculés à partir de la base de données agricoles Agribalyse, qui jouera un rôle central dans l’Ecoscore, sont erronés car incomplets. Ils favorisent de manière aberrante l’agriculture intensive. Qui plus est, cette base de données a été rendue publique prématurément, en dépit des critiques soulevées par de nombreux acteur·rices associatif·ves et professionnel·les.
Nous demandons donc à Barbara Pompili et Julien Denormandie le retrait des données de durabilité inexactes d’Agribalyse et le report du calendrier de l’étiquette environnementale afin que la méthode soit complétée et si besoin repensée. Il y a urgence si l’on veut éviter que certain·es acteur·rices de l’agroalimentaire n’utilisent ces données biaisées à des fins de greenwashing !
L’œuf de poule en cage, élu produit de l’année pour l’environnement ?
La loi prévoit que la future étiquette s’appuie « principalement » sur l’ACV, outil conçu pour noter les produits industriels. Or, cet outil calcule les impacts environnementaux en fonction des rendements, à savoir au kilogramme ou au litre de produit fini. L’ACV donne un avantage significatif aux modes de production les plus intensifs. Elle ne tient aucun compte de l’usage de pesticides ou des antibiotiques ni de leurs impacts sur la santé, la qualité des sols, de l’air ou de l’eau. À l’inverse, les bénéfices de l’agriculture biologique ou de l’élevage en plein air sur la biodiversité et le bien-être animal ne sont pas intégrés dans les indicateurs3.
Appliqué à l’agriculture, cela signifie que celui ou celle qui produit le plus sur la plus petite surface reçoive la meilleure note, quelle que soit la façon dont on produit. « On va laisser croire au·à la consommateur·rice que la ferme des 1000 vaches ou l’élevage de poules en cage c’est ce qui se fait de mieux pour l’environnement ! » explique Agathe Gignoux de CIWF.
« En l’état, cette méthodologie met en avant des systèmes agricoles qui sont à l’opposé de ceux qui sont réellement favorables à l’environnement et que nous souhaitons promouvoir ! Nous sommes prêt·es à transmettre nos propositions pour transformer Agribalyse en véritable outil de progrès pour l’environnement, la santé des consommateur·rices et le monde agricole. Nous espérons pouvoir travailler avec les promoteur·rices du projet pour avancer. » déclare Cécile Claveirole, Secrétaire nationale de France Nature Environnement.
Pour corriger les biais de l’ACV, le futur Ecoscore devra donc intégrer dans les bonnes proportions des indicateurs complémentaires permettant de rendre véritablement compte de la durabilité des pratiques agricoles. Nous serons très vigilant·es sur la définition de ces indicateurs et souhaitons que la société civile soit beaucoup plus étroitement associée à ces travaux pilotés par l’ADEME.
Une communication trompeuse pour les consommateur·rices
Il y a urgence à agir car, sans se préoccuper de ces biais, des acteur·rices de l’agroalimentaire se sont déjà saisi·es des données d’Agribalyse pour communiquer sur une soi-disant excellence environnementale4. Pire encore, la commande publique s’est déjà emparée de l’outil !
« Tout cela est très préjudiciable à l’information des consommateur·rices » dit Alain Bazot, Président de l’UFC-Que Choisir.
« Les professionnel·les de l’agriculture biologique ont bâti au fil du temps une relation de confiance avec les consommateur·rices sur la base d’un haut niveau d’exigence environnementale. Le projet d’Ecoscore ne doit pas créer la confusion et fragiliser cet acquis. Nous avons besoin de plus de cohérence du côté des politiques publiques sur le contenu et le sens qu’on veut donner à la transition agricole et alimentaire. En l’état, le projet d’Ecoscore brouille les messages de manière très préoccupante. » explique Didier Perréol, Président du Synabio.
Le communiqué initial avec la liste des signataire et une annexe présentant des exemples de calculs
d'empreintes environnementales problématiqued est attaché sur la page de cet article.
1 Article 15 LOI n° 2020-105 du 10 février 2020
2 En application de la loi économie circulaire de février 2020, une expérimentation a été lancée pour préfigurer l’Ecoscore. Pilotée par l’Ademe et l’Inrae, elle doit notamment permettre de définir les indicateurs à retenir et les formats d’étiquetage.
3 http://itab.asso.fr/activites/Agribalyse.php et voir exemples chiffrés en annexe