Covid-19 : Il est temps de se pencher sur le commerce que nous voulons pour le jour d’après !
« Le jour d’après ne sera pas un retour au jour d’avant » promettait Emmanuel Macron dans son discours du 12 mars dernier. En écho à cet appel au changement, nous, organisations de commerce équitable, témoignons de nos pratiques entrepreneuriales et de nos engagements, convaincu·e·s que notre expérience et les valeurs qui nous guident sont plus que jamais utiles pour relever les nombreux défis du monde d’aujourd’hui et de demain.
Le commerce mondial a pris un essor spectaculaire au cours des dernières décennies et s’il a constitué un facteur de croissance économique et d’accumulation de richesse pour les un·es, il n’a pas tenu ses promesses d’éradication de la pauvreté et de la faim pour les autres. Aujourd’hui, la majorité des biens et services que nous consommons quotidiennement sont issus, à une étape ou à une autre de leur cycle de fabrication, de ce commerce mondial, si rarement et si peu équitable.
À l’inverse de ce modèle, nous incarnons un commerce qui s’exerce, qu’il soit local ou international, au service de l’émancipation de celles et ceux qui y participent, à travers des relations équilibrées, basées sur des bénéfices mutuels et sur la solidarité. Nos entreprises, nos associations, nos magasins et nos labels se mobilisent pour proposer et garantir aux consommateur·rices des produits issus d’un commerce équitable dans les secteurs de l’alimentaire, du textile, des cosmétiques, de l’artisanat ou encore du tourisme. Nous coopérons avec plus de 3 millions de producteur·rices et de travailleur·euses dans le monde. Depuis 2014, nous développons aussi un commerce équitable « made in France » qui bénéficie désormais à plus de 10 000 producteur·rices français·es de fruits et légumes, de produits laitiers, de viandes ou encore de céréales et de légumineuses.
Mais aujourd’hui, l’ensemble du commerce est encore loin d’être équitable et la consommation alimentaire quotidienne des français·es dépend du travail de millions de producteur·rices et de travailleur·euses agricoles, en France et dans le monde qui sont encore trop nombreux à vivre en dessous du seuil de pauvreté. Nous ne pouvons pas continuer comme ça ! À la précarité des producteur·rices agricoles, s’ajoute l’empreinte écologique de notre alimentation qui contribue pour un quart de nos émissions de gaz à effet de serre. Pourtant des pratiques agroécologiques différentes existent, fonctionnent et peuvent contribuer à atténuer le réchauffement climatique et à régénérer la biodiversité. Mais la dérégulation des marchés, la volatilité des prix et la concentration des acteur·rices de l’aval des filières alimentaires, ne permettent pas aux producteur·rices agricoles de vivre dignement de leur travail, ni de réaliser les investissements dans la transition écologique de leurs modes de production. Précarité économique et dégradations environnementales sont donc intimement liées. La transformation des règles et des relations commerciales vers un commerce plus équitable est une urgence absolue pour lutter contre la pauvreté et relever les défis environnementaux. Si la relocalisation de certaines filières est une réponse nécessaire à la crise que nous traversons, elle n’est pas suffisante. Nous aurons encore besoin du commerce international demain.
De plus, une relocalisation de l’alimentation sans conditions sociales et environnementales pourrait se révéler une potion au goût amer de réchauffement climatique, perte de la biodiversité, intoxications chimiques et de repli sur soi.
Peut-on faire autrement ? Oui. Le commerce équitable garantit aux producteur·rices et artisan·nes des prix rémunérateurs sur la durée. En France, le commerce équitable suscite l’intérêt d’un nombre croissant de consommateur·ices et représente 1,5 milliards € annuel de chiffre d’affaire. 85% des produits équitables issus des filières internationales (café, cacao, banane, ou encore guarana etc.) sont également biologiques et près de 50% des produits issus des filières équitables françaises portent la double labellisation. Au local, comme à l’international, le commerce équitable renforce et fédère les organisations collectives de producteur·rices et de travailleur·ses réunies autour d’un projet économique, social et environnemental. Le commerce équitable offre à ces organisations un contexte économique sécurisant qui favorise les conversions en bio et les investissements dans des modes de production plus durables.
Le mouvement du commerce équitable s’appuie sur l’engagement citoyen des consommateur·rices grâce à une plus grande transparence dans nos filières, aux garanties apportées par les labels, et à nos campagnes d’éducation et de sensibilisation. Le commerce équitable n’a pas attendu le Covid-19 pour rendre visible les invisibles : toutes celles et ceux à qui nous sommes liés à travers notre consommation quotidienne, les producteur·rices, travailleur·ses, artisan·nes ou paysan·nes d’ici et d’ailleurs. La crise a particulièrement mis en lumière les mouvements transfrontaliers de main d’oeuvre agricole saisonnière, le plus souvent employé·es dans des conditions indignes et parfois illégales. Abaisser le droit du travail en agriculture comme certain·es le préconisent en ce moment serait le pire des remèdes. Nous, acteur·rices de commerce équitable, accompagnons un changement sociétal majeur visant à ce qu’une majorité de citoyen·nes intègre des critères de durabilité et de solidarité dans ses pratiques de consommation. L’élan citoyen en ce sens est aujourd’hui particulièrement fort, mais la transformation en profondeur de nos modes de consommation et de nos modes de production ne peut pas reposer seulement sur la volonté individuelle des consommateur·rices.
Les principes du commerce équitable doivent inspirer des changements à l’échelle de toute l’économie. Les mesures de relance que préparent le gouvernement et la commission européenne doivent impérativement s’atteler à l’urgence climatique et à la réduction des inégalités. Les entreprises de commerce équitable montrent que des solutions existent ! Pour dépasser le cercle des pionniers, la protection des biens communs ne doit pas être un frein au développement économique des entreprises mais au contraire un facteur de déploiement. Pour cela, les accords commerciaux de libre-échange, comme la fiscalité des entreprises, doivent être revus en profondeur pour protéger et accompagner la transformation de toutes les entreprises dans une dynamique de transition sociale, écologique et équitable !
Co-auteur·rices et signataires :
AGRI-ETHIQUE FRANCE
Ludovic Brindejon – Directeur Général
AGRONOMES ET VÉTÉRINAIRES SANS FRONTIÈRES
Christophe Chauveau – Directeur des Opérations
ALTER ECO
Damien François – Responsable filières
ALTERMUNDI
Thibault Ringo – Directeur général
ATES
Gilles Béville – Président
BIO CONSOM’ACTEURS
Julie Potier – Directrice Générale
BIOCOOP
Benoit Gaussens – Référent Commerce Équitable
BIOPARTENAIRE
Bernard KIMMEL – Président
CAMPUS ST FELIX LA SALLE, Nantes
Loïc Laine – Coordinateur bachelor EQUISOL
COMMERCE ÉQUITABLE FRANCE
Julie Stoll – Déléguée générale
Marc Dufumier – Président
ECHOPPE
Beverly Ott et Olivier Hauville – Co-fondateurs
ECOCERT
Marie Mercui – Directrice du Département Responsabilité Sociétale et Commerce Équitable
ÉTHIQUABLE
Stéphane Comar – Co-fondateur
FAIR[E] UN MONDE ÉQUITABLE
Estelle Dubreuil – Coordinatrice
FairNESS FR
Jean-Louis Pernin – Président
FÉDÉRATION ARTISANS DU MONDE
Christine Soyard – Bureau collégial
GUAYAPI
Claudie Ravel – Fondatrice et Directrice Générale
INGÉNIEURS SANS FRONTIÈRES
Fanny Passicos – Coordinatrice Générale
LES JARDINS DE GAÏA
Arlette Rohmer – Fondatrice et gérante
KARETHIC – Carole Tawema – Dirigeante fondatrice
MALONGO
Jean-Pierre BLANC – Directeur général
MAX HAVELAAR FRANCE
Christophe Roturier – Président
NITIDÆ
Julien Gonnet – Chargé de projets
SPP FRANCE
Bernard de Boischevalier – Président