Les États Généraux de l’Alimentation, avancée ou mascarade ?

Alors que s’achèvent les États généraux de l’Alimentation (EGA), démarrés en juillet 2017 et convoquant l’ensemble des acteurs des filières agricoles et agroalimentaires, incluant la société civile, voici une rétrospective de cette consultation publique.
Etats Généraux de l'Alimentation
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Les EGA ont été divisés en deux chantiers, répartis en plusieurs ateliers associant l’ensemble des parties prenantes. Le premier chantier portait sur la création et la répartition de la valeur, alors que le second sur une alimentation saine, sûre, durable et accessible à tous.

Une consultation en ligne a également été mise en place pour permettre aux citoyens d’être impliqués dans la co-construction de propositions concernant leur alimentation. Sauf que pour les citoyens, obtenir des informations pratiques sur la tenue et l’organisation de ces EGA relevait du parcours du combattant. Les ateliers n’étaient pas accessibles au grand public ou chercheurs, même en tant que spectateur. Pourtant, assister à ces débats aurait été un point de départ pour mieux comprendre les enjeux, se forger une opinion et peut-être voter ou réagir en formulant des propositions sur la consultation en ligne.

Après quelques semaines, le premier bilan ne s’avérait pas très encourageant. La volonté de prendre en compte les préoccupations citoyennes fut balayée d’un revers de main : « mais qu’est-ce que la question des droits humains vient faire dans le commerce international ? ». Sur le fond, la plupart des acteurs réunis autour de la table ne se souciaient guère des conséquences des politiques alimentaires sur les hommes et femmes, l’environnement ou les ressources naturelles. Sur la forme, les choix d’organisation des débats étaient, là aussi, très discutables : pourquoi confier à un représentant de la distribution et de l’agroalimentaire un atelier sur la répartition des marges et le revenu des agriculteurs ?

L’exemple le plus révoltant de l’usage abusif du terme « consultation publique » pour ces EGA concerne le choix des orientations pour l’agriculture biologique. En effet, bien avant la fin des discussions, et sans concerter les citoyens, le gouvernement avait déjà pris la décision de supprimer définitivement les aides au maintien pour les agriculteurs engagés dans une filière biologique. Une décision d’autant plus contestable que, selon les chiffres de l’Agence Bio1, 82 % des Français estiment qu’il est important de développer l’agriculture biologique.

C’est dans ce contexte, plus que mitigé, que s’est achevé le premier chantier. Certains acteurs se sont dits agréablement surpris par le discours de clôture du président Macron et la charte d’engagement signée par les parties. Pourtant, un grand nombre des représentants de la société civile et des citoyens reste amer face au manque d’ambition des propositions retenues. Comment entamer une transition profonde du modèle agricole actuel quand aucune proposition n’est contraignante, alors que nos producteurs sont parfois contraints de vendre à perte ? Quand la mise en vigueur du CETA2 n’est pas questionnée ? Quand l’illusion d’une coexistence possible des modèles agricoles est entretenue, oubliant qu’ils dépendent de ressources naturelles finies et que, par conséquent, on ne peut développer un modèle sans en appauvrir un autre ?

Sans évolution des méthodes d’animation des débats et prise en compte des préoccupations citoyennes, nous ne pensons pas qu’il faille attendre beaucoup plus des conclusions du second chantier axé sur l’alimentation.

La question qui se pose est donc la suivante : comment inciter, encourager et renforcer la participation démocratique à la construction des politiques publiques, quand les démarches dites participatives ne font en réalité qu’accentuer un syndrome d’impuissance acquise chez les citoyens ?

1. Plateforme nationale d’information et d’actions pour le développement de l’agriculture biologique en France.

2. Traité de libre-échange transatlantique.

22 décembre 2017
Groupe thématique ISF-AgriSTA
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