D'avantage de Sud dans l'équitable

Dans le numéro 70 d'Alteractif, nous vous faisions part de nos espoirs et de nos craintes sur l'évolution du commerce équitable à travers l'évolution de l'un de ses acteurs les plus importants : Max-Havelaar. Deux ans après, faisons le point sur ces évolutions aussi bien au niveau national qu'international.
Affiche de la dernière campagne de Max-Havelaar France
Affiche de la dernière campagne de Max-Havelaar France
Max-Havelaar France

En juillet 2010, nous publions un numéro d'Alteractif intitulé : Commerce équitable labellisé (1), des évolutions nécessaires. Nous concluions par le constat suivant : « La cohérence de la démarche de Max Havelaar va se jouer dans les prochaines années dans sa capacité à garder son bilan positif en terme d'impact sur les producteurs tout en créant un cadre « crédible » lui permettant de travailler avec les mastodontes de l'agro-alimentaire. Il va notamment falloir permettre une négociation équilibrée entre les acteurs du Sud et ceux des grandes marques du Nord. Cela ne sera possible que s'il y a une implication massive de ces acteurs du Sud dans les instances du système [de labellisation] Max Havelaar. Cette évolution est normalement prévue dans la révision stratégique du système Max Havelaar. »

 

La question de la participation des acteurs du Sud dans l'élaboration des normes qui leur sont proposées, voire imposées, pour accéder à des marchés d'exportation, ressortait déjà de l'étude Normes menée en 2007 par ISF. Nous avions noté à l'époque que seules les normes de commerce équitable proposaient un mécanisme de participation des producteurs agricoles du Sud. Nous avions notamment relevé que les normes de commerce équitable du système Max-Havelaar étaient déjà co-propriété des organisations de producteurs bénéficiant de ce système.

 

 

Le système Max-Havelaar a fait un pas de plus au début de l'été 2012. Les producteurs possèdent désormais 50% des voix au sein de l'assemblée générale de Fairtrade International. Auparavant appelée FLO (Fairtrade Labelling Organisation), il s'agit de l'instance internationale qui gère et développe les normes du système de labellisation Max Havelaar. Les autres 50% sont attribués aux « Initiatives locales » dont fait partie l'association Max-Havelaar France et les autres associations  de promotion du commerce équitable labellisé des pays du Nord.

 

 

Max-Havelaar France n'est pas en reste. En effet, les réseaux de producteurs sont aussi représentés au sein de son assemblée générale. Un siège leur est même réservé au conseil d'administration. Nous avons ainsi eu le plaisir de rencontrer une représentante de la Coordination latino-américaine de commerce équitable (CLAC) lors de l'assemblée générale du deux juillet dernier à laquelle ISF participait aussi.

 

 

Ce système n'est bien sûr pas encore parfait, mais il s'améliore et cela nous rassure. Ainsi, il n'est pas encore question de la participation des ouvriers agricoles au sein de la gouvernance du système. Mais, choisir le commerce équitable c'est bien choisir un commerce basé sur des relations justes entre les différents acteurs des filières et non pas dicté par des marchés ivres de spéculation et de profit. Il s'agit bien de rendre son utilité sociale et environnementale au commerce entre les paysans et ouvriers agricoles du « Sud » et les consommateurs du « Nord ».

 

 

D'ailleurs, la dernière campagne de Max-Havelaar nous le rappelle. Lancée lors de la dernière Quinzaine du commerce équitable, elle insiste sur les impacts du commerce équitable tels que le renforcement de la démocratie au sein des organisations de producteurs, la consolidation du rôle des producteurs dans le développement de leur territoire et la garantie d'un revenu stable aux petits producteurs et ouvriers agricoles.

 

 

Pourtant, la consommation de produits issus du commerce équitable stagne en France. Certes, en temps de crise, il est compréhensible que nous limitions l'achat de produits qui sont souvent plus chers que leurs équivalents conventionnels. Cependant, une récente étude BVA montre qu'il ne s'agit pas de la seule raison évoquée par les consommateurs. En effet, deux freins importants sont le doute sur les impacts réels du commerce équitable et le manque de disponibilité des produits en magasins. Pour le premier point, c'est à nous, à travers l'éducation au développement, de convaincre nos concitoyens que les impacts sont réels et documentés. Pour le deuxième, il s'agit d'exiger des produits auprès des commerçants. C'est entre autre ce que font les associations adhérentes à Fair(e) un monde équitable, un mouvement qui rassemble 19 associations militantes du commerce équitable.

 

 

Depuis des constats faits au milieu des années 2000, en passant par l'établissement d'une stratégie établie par Max-Havelaar en 2010 jusqu'à ce changement en 2012, améliorer le monde de l'équitable prend du temps. Cependant, ces avancées nous confortent d'avoir voulu garder la place d'ISF au sein du conseil d'administration de Max-Havelaar France. Nous nous estimons plus efficace à participer à l'évolution de ce système de l'intérieur qu'en le critiquant de l'extérieur.

 

 

1. Le commerce équitable labellisé est basé sur un cahier des charges  appliqué au producteur du produit et vérifié par un organisme indépendant du producteur. Le cahier des charges est défini par une norme ou « standard ». La norme de commerce équitable la plus connue est celle du système Max-Havelaar. Elle est vérifiée par un organisme certificateur appelé FLO-Cert.

6 août 2012
Tanguy Martin
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