La low-tech, une alternative systémique ?
Qualifiées ainsi par opposition au concept de « high-techs », les low-tech désignent des solutions techniques relativement simples répondant à des besoins élémentaires. En cohérence avec le contexte dans lequel elles sont utilisées, elles s’inscrivent dans une démarche de recherche de résilience individuelle et collective.
Les solutions ainsi qualifiées sont intrinsèquement durables, c’est-à-dire à la fois efficientes et réparables. Le développement de low-tech est souvent motivé par des contextes particuliers, où ressources matérielles et économiques sont limitées. Un quelconque gâchis de ressources rares, comme l’eau et le charbon, ou l’obsolescence programmée d’un outil est alors absurde. Les low-tech se veulent également accessibles.
À qui ? À tou·tes celles et ceux qui voudraient se les approprier. Ce concept s’inscrit donc dans une démarche open-source2 et do it yourself3 : il est impératif pour une low-tech que son coût de fabrication soit bas, que ses principes de fonctionnement soient facilement appropriables et surtout qu’elle soit réplicable simplement. Situations de crise, vie nomade ou encore espaces collaboratifs au cœur d’une ville, les contextes propices au développement de systèmes et de méthodes low-tech sont divers et variés. Il s’agit à chaque fois de valoriser l’intelligence collective et la mixité sociale et culturelle propre au contexte local pour trouver des solutions aptes à répondre aux besoins et à s’intégrer dans le milieu socio-économique. Le collectif est donc au cœur du concept de lowtech.
Pourrait-on alors l’envisager à une échelle plus globale, systémique ? Après tout « vivre dans des conditions décentes » n’est-il pas l’objectif premier de chaque individu ?
Selon les collapsologues, les différentes crises que le monde connaît aujourd’hui sont liées à la complexité du système dominant. La dépendance des sociétés aux interactions mondiales pour des besoins aussi essentiels que l’alimentation ou l’énergie rend le système tout entier extrêmement vulnérable à un quelconque choc, qu’il soit diplomatique ou commercial par exemple. À cet ordre louant une croissance illimitée absurde, les low-techs opposent une logique de recherche d’autonomie à petite échelle. Dans cet état d’esprit, envisager la low-tech systémique consiste à envisager la multiplication de « petits » systèmes auto-suffisants plutôt que la montée en puissance de quelques solutions. On peut alors imaginer une multitude de collectifs répondant à leurs besoins grâce à des systèmes et des méthodes low-tech. Cette approche pensée en réseau et de manière décentralisée présente des intérêts à la fois techniques et sociétaux. En effet, l’autonomie des différents collectifs permettrait de mitiger l’impact d’éventuelles crises, tandis que la prise en compte du contexte socio-culturel assurerait la viabilité des solutions et faciliterait leur appropriation par les utilisateurs. Les low-techs ne sont pas en elles-mêmes des solutions aux maux contemporains de notre civilisation. Chacune répond à des besoins spécifiques dans un contexte donné : un système utile et fonctionnel dans les steppes de Mongolie ne le sera sûrement pas dans la forêt amazonienne ou au cœur de Brooklyn. Néanmoins l’état d’esprit sur lequel elles se fondent questionne ces maux, leurs fondements sociétaux et nos modes de vie. En réactualisant l’adage « penser globalement, agir localement », la low-tech propose de faire appel au bon sens, de revaloriser le collectif, le local, le disponible et souligne la place importante que doit prendre l’échange interculturel dans la réorganisation systémique en cours. C’est donc un appel à de nouvelles formes de solidarité internationale centrées sur le partage et la collaboration.