Les ponts entre le monde académique et Ingénieurs sans frontières : un levier d'action pour la transformation des formations
Les formations en ingénierie suscitent beaucoup de débats dans différents milieux, qu’ils soient associatifs, militants, syndicaux ou académiques.
Le projet « Former l’ingénieur citoyen » (formIC) s'est appuyé sur une recherche conduite dans le cadre d'une thèse financée par Ingénieurs sans frontières et la Région Ile de France (Antoine Dérouet1 soutiendra prochainement cette thèse).
Pendant l’évolution de ce projet, Ingénieurs sans frontières s’est rapproché de plusieurs acteurs, parmi lesquels se trouvent quelques enseignants et chercheurs intéressés par la démarche de l’association sur ces questions.
Catherine Roby2 a soutenu en décembre 2014 une thèse intitulée « Place et fonction des sciences humaines et sociales dans les Écoles d'ingénieurs en France. État des lieux, enjeux et perspectives épistémiques »3.
Par ailleurs, elle a participé à plusieurs évènements organisés par ISF, comme le colloque « Un ingénieur, des ingénieurs : expansion ou fragmentation ?, organisé en 2011 ou bien dans le cadre des journées d’échanges du comité « formIC » en février 2016.
Cette pérennisation du partenariat entre le monde de la recherche et le monde associatif est la preuve même de la pertinence d’un projet de recherche-action, capable de produire des données scientifiques tout en restant connecté à la réalité du terrain.
Les riches échanges avec Catherine Roby ont permis à Ingénieurs sans frontières d’avancer dans ses réflexions et modes d’action en se basant sur les connaissances approfondies produites par sa thèse.
Parallèlement, son analyse socio-historique de la place de chaque acteur participant à la gouvernance des formations en ingénierie démontre qu’ Ingénieurs sans frontières y joue actuellement un rôle central. Ceci montre l’importance du débat qui est mené depuis une dizaine d’années par l’association.
Les extraits ci-dessous ont été tirés de sa thèse4 :
L’association « Ingénieurs sans frontières » (ISF) a été fondée en 1982, sur l’idée de l’organisation de projets de solidarité internationale. Vers la fin des années 1990, quelques étudiants de l’Institut national polytechnique de Grenoble (INPG) décident d’orienter l’association vers des actions militantes pour promouvoir un « ingénieur socialement responsable », « conscient et soucieux des implications éthiques de son métier ».
Ce mouvement s’articule avec « les réflexions sur la possible contribution des ingénieurs au développement durable et à la réduction des inégalités ». Il relance à nouveaux frais, le rôle social de l’ingénieur en lien avec des questions éthiques relatives à la technique. Depuis le début des années 2000, Ingénieurs sans frontières est la seule association d’ingénieurs à questionner le rôle de la technique dans la société et à promouvoir ce questionnement dans le débat public, à porter un regard critique sur l’ingénieur et sur sa formation, notamment celle en SHS.
En 2008, l’association a lancé le projet « Transformons nos formations » pour pallier les carences et dépasser les limites inhérentes des formations, questionner la pertinence des cursus et en proposer « des modifications autant dans les contenus que dans la pédagogie ».
Dans cette mouvance, le projet « Former l’ingénieur citoyen » (Formic) a été conduit de 2009 à 2011. Ce projet dont la poursuite est en cours de réflexion, vise à une meilleure prise en compte des enjeux sociétaux contemporains (développement durable, responsabilité sociale des cadres et pratique citoyenne des sciences et des techniques) dans les formations d’ingénieurs, afin de former des « ingénieurs responsables, solidaires et citoyens ».
Cette initiative d’ISF sur les SHS dans les formations d’ingénieurs semble la première à s’être appuyée sur une recherche académique en sociologie, marquant une véritable innovation dans les milieux d’ingénieurs. Ce moment historique réussira-t-il à porter le changement là où tous les débats ont partiellement échoué depuis un siècle ?
Les ponts entre l’ingénierie et d’autres disciplines, comme la sociologie et l'histoire par exemple, sont essentiels pour Ingénieurs sans frontières. Ils sont d’ailleurs inscrits dans le plan stratégique de l’association pour les cinq années à venir.
Cette stratégie semble être la plus adaptée afin de mieux comprendre la réalité des formations et ainsi pouvoir proposer des alternatives.
Comme souligné par Catherine Roby, il est certain que le contexte actuel est historique. Ingénieurs sans frontières y travaille pour se saisir de toutes les opportunités, et ainsi d’accélérer le processus de transformations des formations !
1https://www.cmh.ens.fr/Derouet-Antoine
2http://cread.espe-bretagne.fr/membres/croby
3http://www.theses.fr/2014REN20046
4pages 329 et 330