Total investit l’école Polytechnique

Depuis plusieurs mois une indignation grandit sur le campus de Polytechnique, et pour cause, l’entreprise Total a pour projet d’implanter son département "Recherche et Innovation" au cœur du campus de l’école.
Photo prise lors d'une action de Greenpeace, les Amis de la Terre, Action Climat à Polytechnique
Jérémie Jung / Greenpeace

Ce projet est loin de faire l’unanimité sur le campus. 61 % des élèves se sont positionné·es contre et dénoncent le traitement de faveur auquel aurait droit le géant du pétrole. La fédération Ingénieurs sans frontières appelle à soutenir la mobilisation des étudiant·es et souligne les dangers que représente l’intrusion d’entreprises privées dans les lieux d’apprentissages publics que sont les grandes écoles et les universités.

Le projet de construction d’un nouveau bâtiment au sein du campus de l’école Polytechnique fait débat. Ce bâtiment accueillerait 250 salarié·es de l’entreprise Total, représentant sa direction "Recherche et Innovation". Des espaces dédiés aux étudiant·es, une cafétéria, des enseignements financés par l’entreprise, etc. On ne parle pas là de la construction d’un simple centre de R&D mais d’un véritable lieu de vie et d’apprentissage pour les élèves. Ce projet vise bel et bien à assurer de beaux jours à l’entreprise en influençant les formation de celles et ceux qui administreront les politiques énergétiques de demain.

Intégrer le milieu de l’entreprise au milieu étudiant est une pratique très en vogue : financements et places dans les Conseils d’Administrations des écoles, cours magistraux donnés par des personnes travaillant dans le privé, participations voire sponsorisation de divers forums des métiers et événements étudiants… Mais aucune entreprise n’était allé aussi loin dans la démarche.

Les étudiant·es de l’école Polytechnique ont soumis ce projet à un vote (organisé par le bureau des élèves), et le résultat est sans appel. Une grande majorité n’est pas favorable à l’implantation de Total sur son campus. Les élèves expriment leur inquiétude face à l’idée que soit mêlée une école publique à une multinationale. De plus, le financement d’une chaire d’enseignement par une entreprise est en incohérence avec les missions de l’école, dont l’objectif premier est de former des ingénieur·es au service de l’intérêt général. La neutralité scientifique de la formation est menacée.

En dehors des problématiques d’impartialité des enseignant·es, la position de Total comme géante pétrolifère et gazière soulève des questions. L’entreprise a été éclaboussée de scandales dans de nombreux pays (corruption, graves atteintes à l’environnement et aux droits humains) et dépenses des sommes considérables en lobbying et campagnes de communication. De plus, malgré les engagements pris par la France pour lutter contre le réchauffement climatique, Total n’investit que 0,5 % de son chiffre d'affaire dans les énergies renouvelables, le reste étant dédié aux énergies fossiles.

Toute institution publique a un devoir de responsabilité face à la crise climatique, et l’école Polytechnique ne devrait pas légitimer la présence de Total sur son campus, afin de conserver l’impartialité de l’enseignement fourni à ses futur·es ingénieur·es. La triple tutelle ministérielle de l'école (Défense, Enseignement supérieur et Recherche) ne joue vraisemblablement plus son rôle de contrôle et de protection de l’intérêt général.

Une pétition a été lancée par les élèves de l’école Polytechnique sur 350.org : https://act.350.org/sign/nous-refusons-que-total-simplante-polytechnique/

Les étudiant·es et ancien·nes de l’école se positionnent :

⇒ Leur site internet : https://polytechniquenestpasavendre.fr/
⇒ En vidéo : https://twitter.com/konbininews/status/1238019435417538560

Pour aller plus loin : Un rapport de 350.org, les Amis de la Terre et Notre Affaire à Tous dénonce la stratégie du pire de Total

24 mars 2020
Fiora Bourges, Baptiste Soubra
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