Or équitable : quelle responsabilité des acteurs miniers ?

L’exploitation artisanale des minerais par de petites communautés locales est rarement considérée autrement que nuisible, illégale et polluante en opposition à l’approche industrielle qui serait la seule à même de maîtriser ses impacts. Pourtant, de plus en plus de travaux et d’expériences montrent que la structuration et la reconnaissance de petites organisations minières artisanales est souvent un levier puissant pour un développement harmonieux des communautés.
Mine d'or artisanale à Madagascar
Mine d'or artisanale à Madagascar
Photo Global Environment Facility

Mais, parce que la mine artisanale est le plus souvent informelle et présente une grande diversité de formes, la mise en œuvre de cette structuration et sa reconnaissance, notamment par les pouvoir publics, n’est pas aisée. De plus, la mine artisanale est un système de production aux multiples acteurs, où, dans une logique de marché, le poids très important des intermédiaires entretient des relations asymétriques au détriment du producteur. 

 

Cette observation a été soulignée dans le rapport de l’Extractive Industries Review menée en 2004 par la Banque Mondiale (1) et constitue la base d’une approche originale pour la filière aurifère : l’ « or équitable ». Sur le modèle des filières agricoles, il s’agit de promouvoir une forme de commerce qui donne aux mineurs artisanaux les moyens d'être acteurs d'un changement et de la responsabilisation de leur activité. Ainsi, l’organisation ARM (Alliance for Responsible Mining) (2) et le labellisateur FLO (Fairtrade Labelling Organizations) (3) travaillent conjointement depuis 2007 au développement de ce projet à travers la mise en œuvre d’un processus de labellisation « Fairtrade-Fairmined ».

 

Aujourd’hui, l’or équitable Fairtrade-Fairmined semble avoir un bel avenir devant lui : actuellement produit par neuf mines pilotes d’Amérique du Sud, sa première mise sur le marché s’est faite en Grande-Bretagne en février 2011 et nombreux sont les membres du réseau FLO qui soutiennent cette démarche (Royaume-Uni, Canada, Danemark, Suède, Luxembourg…). Une deuxième version du standard vient d’être soumise à un appel à consultation, auquel le groupe thématique d’ingénieurs « Systèmes extractifs et environnements » d’Ingénieurs sans frontières (ISF) ou « ISF SystExt » a répondu avec l’association belge Catapa (4) et ses partenaires. Enfin, la certification de mines en Afrique et en Asie est actuellement à l’étude (5).

 

Pourtant, cette approche n'est pas forcément aboutie ni satisfaisante. Ainsi, le 11 octobre dernier, le conseil d’administration de Max Havelaar France, dont ISF fait partie, a rejeté pour l'instant la commercialisation de l’or équitable en France. ISF soutient cette décision. En effet, à l’initiative d’ISF SystExt, un groupe de travail sur l’or équitable s’est formé en juillet 2011 et s’est intéressé à l’initiative de FLO-ARM. Depuis lors, ISF SystExt organise régulièrement des rencontres pour étudier le projet et pour en faire une évaluation objective, dans le but d’alimenter ses propres réflexions sur la question de la responsabilité des acteurs miniers.

 

Cette étude a permis en particulier la rédaction d’une note de positionnement sur le standard Fairtrade-Fairmined, validée par le Bureau national d’ISF en juillet 2012. La note présente des remarques critiques tant sur le contenu même du standard (pas de prix minimum garanti fixe imposé, pas de prise en compte de la fin de la mine et de la reconversion des mineurs…) que sur la pertinence globale du développement d’une telle filière aujourd'hui en France. En effet, le grand public français reste à l’heure actuelle peu sensibilisé aux impacts humains, sociaux et environnementaux des systèmes extractifs et peu conscientisé à l’omniprésence des ressources minérales dans les biens de consommation. Il est donc à craindre qu’en l’absence d’une sensibilisation adaptée, il soit peu enclin à de produits composés de métaux « responsables ».


En conclusion, malgré l’originalité et la qualité de l’initiative de FLO-ARM qui constitue bel et bien un moteur de développement local sur certaines petites mines aux conditions spécifiques, la grande diversité des systèmes extractifs au niveau international requiert une amélioration du standard Fairtrade-Fairmined voire la mise en place de démarches ou d’initiatives complémentaires. La note est disponible ci-dessous, ainsi que sa traduction en espagnol et en anglais..


 

Notes

1. Rapport téléchargeable ici http://web.worldbank.org/...
2. ARM est une initiative de promotion du développement d’une mine artisanale responsable par la mise en place de standards, le soutien aux producteurs et la communication. Elle est dirigée par des ingénieurs de la mine et de l’environnement, des sociologues, des bijoutiers et négociants d’or, et un artisan mineur.
3. Association regroupant trois réseaux de producteurs, 19 initiatives de labellisation et trois organisations de commercialisation. Son rôle est mettre en place les standards de labellisation , de développer des nouvelles filières de commerce équitable et d’accompagner les producteurs dans leur développement.
4. http://www.catapa.be
5. http://www.fairtrade.org.uk/... et http://www.sam.mn/...

 

 

 

9 juin 2012
ISF SystExt
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