L'appui au secteur privé africain, un axe prioritaire?

Le secteur privé en Afrique est majoritairement composé de micro-entreprises qui coexistent avec de grands groupes. Entre les deux, les PME(1) restent très peu nombreuses. Au Congo Brazzaville par exemple, près de 80% des entreprises emploient moins de cinq personnes. Au Kenya, le secteur des PME entre pour environ 18% dans le PIB total. A titre de comparaison, les PME en France représentent 60% des emplois(2). Pourquoi cette situation ? Est-ce une priorité d’action pour les ONG ?
Appui d'ISF Nancy aux fabricants de farine Misola au Mali
Appui d'ISF Nancy aux fabricants de farine Misola au Mali
Photo ISF Nancy

Divers freins matériels et financiers empêchent les petites entreprises africaines de se développer : infrastructures publiques déficientes, dépendance vis-à-vis de l’économie et des produits de base, accès limité au financement… Auxquels s’ajoute une instabilité politique qui favorise l’insécurité et la corruption. Seules les grandes entreprises ont les moyens de contourner ces contraintes, par leur pouvoir de négociation et leur capacité à se substituer aux services publics qui font défaut. Elles dépendent moins de l’économie locale, car elles ont accès au financement, à la technologie et aux marchés étrangers.

Une clé du développement mise de côté

 

 

En marginalisant les PME, les économies africaines se privent de leur levier le plus important pour se développer durablement : création d’emplois, répartition équitable du revenu, réduction de la pauvreté, établissement d’un potentiel technologique local, etc. Celles-ci sont souvent plus efficaces et ont un plus grand effet d’entraînement – en créant un maillage économique dans le pays – que certains grands groupes ou gros projets industriels qui bénéficient rarement aux plus pauvres. Bien qu’un nombre considérable d’États africains comprenne aujourd’hui l’importance des petites entreprises et se rende compte que leur essor doit être favorisé, seuls quelques-uns d’entre eux ont adopté des mesures concrètes en ce sens.

Face à cette situation, de nombreuses ONG se sont lancées dans une démarche de soutien à l’initiative privée et aux activités génératrices de revenus au Sud, par le financement et l’appui aux petites et moyennes entreprises. Outre leurs actions visant le développement direct d’une communauté (adduction en eau potable d’un village, accès à l’énergie d’une région, etc.), elles considèrent l’appui aux activités privées comme un moyen indirect d’accès à un développement collectif. C’est ainsi que les organisations de commerce équitable s’efforcent de construire les fondations d’un commerce plus juste par des partenariats commerciaux équitables avec des PME du Sud. Les structures de microfinance fondées sur l’épargne locale proposent, de leur côté, un ensemble de produits financiers (épargne, crédit, assurance…) à tous ceux qui sont exclus du système financier classique et favorisent de ce fait l’entreprenariat local.

 

Un soutien à concevoir avec prudence

Le choix d’apporter un appui franc au développement de petites entreprises n’est cependant pas neutre : il cache la supposition implicite que la prospérité de quelques-uns permettra un développement général de la communauté. Or rien n’est moins sûr dans le système économique actuel. La redistribution des richesses doit donc être suffisamment étudiée avant la mise en place d’actions de soutien aux démarches privées. Les études d’impact du commerce équitable dans les pays du Sud, par exemple, mettent-elles bien en évidence un développement dépassant l’échelle du producteur ou de la coopérative ?

Enfin, au regard de la crise financière, un soutien à ces entreprises passant par le crédit est à concevoir avec prudence. Certes, le système de microcrédits a fait parler de lui par des résultats encourageants, qui ont d’ailleurs valu le prix Nobel de la paix à Muhammad Yunus et la Grameen Bank. Mais il pourrait vite enfermer les investisseurs du Sud dans le système financier actuel, avec des taux d’intérêt élevés et des risques d’endettement..

1. Petites et moyennes entreprises (10 à 250 salariés)
2. Source OCDE

 

17 novembre 2008
Thomas Champigny, vice-président de la fédération
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