Former l'ingénieur citoyen ou initier un débat citoyen sur les formations ?

Un des principes d'Ingénieurs sans frontières est de considérer la technique comme un outil de transformation au service de l'ingénieur et non pas comme une solution en soi aux problèmes de nos sociétés. Cette vision guide différentes actions d’Ingénieurs sans frontières menées auprès des étudiants afin de les questionner sur les pratiques de l’ingénieur. Finalement, cette démarche fait d'Ingénieurs sans frontières une structure de formation complémentaire aux formations classiques des élèves-ingénieurs.

Naturellement, ce rôle de formation amène à interroger la pertinence des cursus proposés par les écoles d’ingénieur. Ce processus de remise en question a conduit la fédération à agir directement sur les formations à travers des actions et projets ponctuels dès 1998, avant d’être formalisé par le programme Transformons nos formations en janvier 2008. Ce programme a pour objectif la construction de cours par les groupes locaux en partenariat avec leurs écoles. Bien que l'initiative appartienne au groupe, l'école chapeaute généralement le projet plus qu'elle ne le porte. Toutefois, la mise en œuvre de ces projets n’est pas un long fleuve tranquille...

Les apports du projet FormIC dans l’analyse du programme Transformons nos formations (TNF)

Le projet Former l’ingénieur citoyen (FormIC) apporte un éclairage intéressant pour analyser les activités portées par le programme TNF. Ce projet de recherche-action, financé par ISF, porte sur le développement des sciences sociales dans les cursus d’ingénieurs et l'analyse des modes d'évolutions des formations. Cette analyse a également porté sur le processus de réalisation de projets initiés par Ingénieurs sans frontières dans ce domaine et semble notamment indiquer que le système de contraintes, qui pèse sur la formation, tend à neutraliser les discours critiques.

Ainsi, les élèves mettent en place des cours, sans intégrer par ailleurs les processus de décisions pédagogiques. Les membres d'Ingénieurs sans frontières se retrouvent donc dans une situation où ils veulent instiguer une véritable ouverture d'esprit, une vision différente de l'ingénieur et de sa responsabilité sociale, via ces cours, tout en acceptant de rester en marge de la construction des formations. Mais pourquoi les étudiants qui veulent transformer leurs formations agissent à travers des réseaux parallèles et ne font pas entendre leur voix au sein mêmes des institutions ? Cette situation semble se créer naturellement dans un contexte d'école où les projets associatifs sont nombreux, mais où finalement il n'existe pas (ou plus) d'organisation représentant les élèves portant un regard critique sur les formations.

Dans le cadre du collectif IRESCA (1), Ingénieurs sans frontières a souvent pointé le manque, dans la profession, d'espaces de dialogue sur l'exercice de la responsabilité. De même, au sein des institutions chargées de définir les formations d'ingénieur, comme la Commission des titres d'ingénieurs, le manque de mise en débat des formations et de la vision qui les sous-tend doit être souligné. Finalement, être un ingénieur citoyen, ne serait-ce pas être conscient du fonctionnement de son environnement et le remettre en question si nécessaire ?

Vers un projet FormIC2

Cette question, issue des résultats de FormIC, a mené au montage du projet FormIC2. Un comité dédié à ce projet s'approprie les résultats de la recherche. Cette étape permettra ensuite de disséminer les réflexions au sein de la fédération, afin de mettre en débat le positionnement d'Ingénieurs sans frontières sur les formations d'ingénieur. Ce débat mené au sein de la fédération devrait être partagé avec divers partenaires : universités, syndicats, réseaux d’ingénieurs du Sud, écoles, entreprises, etc. Ce processus d’échange permettra de produire un manifeste pour faire avancer la réflexion sur ce sujet, de dégager des positions communes sur une mise en adéquation des formations avec les objectifs d'Ingénieurs sans frontières et enfin de faire de nouvelles propositions.

Le projet a également pour objectif d'aider les étudiants souhaitant participer à la transformation des formations à utiliser les espaces de gouvernance existants et de mettre en place de nouveaux espaces de dialogue multi-acteurs quand les enjeux le réclament.

Enfin l'ambition d'Ingénieurs sans frontières est, que les réflexions, les expériences, et les outils créés dans le cadre du projet soient partagés auprès d'un public large et international..

1. Initiative pour la responsabilité sociale des cadres