Manger local, penser global: ISF s'engage dans les AMAP
Être agriculteur en France ne veut pas forcément dire travailler au jardin d’Eden. Jugez plutôt : le revenu agricole moyen est en diminution constante depuis le début des années 90 et 16 % des ménages agricoles vivaient en dessous du seuil de pauvreté en 2007 (Source : INSEE). Fait dramatique, le taux de suicide chez les agriculteurs est le plus élevé de toutes les catégories socioprofessionnelles(2). La fragilisation des exploitants agricoles entraîne la perte de l’agriculture locale en France, au profit d’exploitations industrielles et au détriment des territoires ruraux et de l’environnement.
Défendre un autre modèle de production
C’est un problème que rencontrent aussi les producteurs du Sud avec qui nous travaillons depuis plus de 20 ans à travers nos actions de commerce équitable. Certes au Nord, pour défendre nos agricultures, nous avons des politiques agricoles qui font défaut au Sud. Mais ces mesures profitent surtout aux exploitations industrielles, sous la pression de lobbies agro-industriels plaidant pour une prétendue modernisation de l’agriculture. Cependant, ce modèle agro-industriel montre de plus en plus ses limites pour nourrir la population mondiale à terme.
C’est donc naturellement que des groupes ISF se sont demandés, en parallèle de leurs actions en faveur d’un commerce équitable au Sud, comment être solidaire avec les petits producteurs du Nord. La solution retenue a été de proposer des partenariats de type AMAP à des agriculteurs à proximité de leurs écoles. Il s’agit d’un contrat passé entre un agriculteur et des consommateurs pour la livraison préfinancée, régulière et sur le long terme de paniers de produits alimentaires.
En évitant les intermédiaires et la grande distribution, un agriculteur peut augmenter sa marge et investir dans une agriculture plus durable tout en proposant des produits à un prix raisonnable. Attention cependant, s’improviser distributeur de ses propres produits n’est pas toujours évident et il y a un risque de surcharge de travail si l’on ne s’organise pas bien.
Premiers essais dans les groupes
À ce jour les groupes de Nancy, Bordeaux et Montpellier ont tenté l’aventure. Les étudiants ainsi regroupés en association se font livrer des paniers de légumes en provenance d’une ou plusieurs exploitations agricoles, souvent bios. Les durées d’engagement selon les groupes varient d’une semaine à plusieurs mois. Les étudiants ont souvent tâtonné avant de trouver comment engager mutuellement agriculteurs et étudiants. Concilier les objectifs de stabilité des uns et la mobilité des autres n’est pas une mince affaire.
L’enjeu de solidarité internationale est véritable, dans le sens où ce type d’agriculture n’entre pas en concurrence avec les agricultures locales et vivrières du Sud. Elle permet donc une meilleure souveraineté alimentaire : le droit d’une population ou d’un pays de définir ses propres politiques agricoles sans que celles-ci puissent avoir un impact négatif sur les populations d’autres pays..
1. Association pour le maintien d’une agriculture paysanne.
2. Hervé Juvin, Eurogroup Institute, La place de l’agriculteur et de l’agriculture dans la société française, 2003.