Le Moringa, un moyen de lutte contre la malnutrition au Togo ?
Le Moringa est un petit arbre (4 à 6 mètres) dont l’appartenance à la famille des légumineuses reste sujette à discussion. C'est d'abord une plante vivrière ; en Inde, où il est originaire, le Moringa oleifera est cultivé pour la production de ses fruits, qui sont mangés cuits et exportés frais ou en conserve.
On prête à cet arbre de multiples vertus, ainsi, on l’appelle souvent en Afrique « arbre miracle ». Chacune de ses parties sont présentes dans la cuisine ou dans la pharmacopée traditionnelle de certains pays. Cette plante est reconnue pour ses qualités médicinales, notamment comme hypotenseur par la médecine occidentale. D'un point de vue nutritionnel, ses feuilles sont particulièrement intéressantes.
La population togolaise souffre de certaines carences, notamment de manques en vitamine A, en fer et en iode. En 2013, 53% des enfants âgés de 6 mois à 5 ans sont déficients en vitamine A. Or cette molécule joue un rôle primordial dans le mécanisme de la vision ; la baisse de l’acuité visuelle est l’un des premiers signes apparents de carence en vitamine A (source Anses). De plus, une carence de cette vitamine affaiblit le système immunitaire et augmente les risques d’anémie, déjà forts en raison des carences en fer souvent observées dans les pays en voie de développement (The vicious cycle of vitamin A deficiency, publié chez Taylor et Francis). Ainsi, au Mozambique, la complémentation en vitamine A dans le cadre d’un programme alimentaire aurait diminué de 23% en moyenne la mortalité infantile dans les zones où la population est carencée (Vitamin A deficiency and child mortality in Mozambique, AGUAYO et al.).
Or, il s’avère que le Moringa semble intéressant dans le cadre d’une complémentation de l’alimentation en vitamine A : facile d’accès, 3 grammes de matière sèche de Moringa permettent de couvrir les besoins quotidiens d'une personne en vitamines A. Un arbre peut aisément couvrir les besoins d'une famille. Si, dans certains pays les feuilles sont traditionnellement consommées plutôt infusées, en sauce, en soupe ou en salade ; les propriétés nutritives du Moringa sont altérées à la cuisson : mieux vaut le consommer en salade ou saupoudré sur les plats. Les apports en vitamine A peuvent ainsi s’ajouter à ceux des fruits (banane, mangue, etc.).
Dans le Moringa, les apports en fer (58 µg de fer/gramme de feuilles séchées)1 et en protéines (0,25 g/gramme de feuilles séchées) sont qui plus est, assez importants.
Si l’arbre pousse naturellement au Togo, ses feuilles ne sont que peu consommées pour leurs avantages nutritionnels dans le sud du pays (on y retrouve néanmoins une certaine utilisation dans la pharmacopée traditionnelle) : diffuser l’information ainsi qu’intégrer le Moringa à la cuisine quotidienne restent donc des défis importants. On remarque en revanche que certaines personnes se souviennent que les anciens consommaient cette plante, où cette habitude a d’ailleurs été conservée dans le Nord du pays. Par ailleurs, au Sahel, les feuilles de Moringa oleifera sont consommées comme légume et celles de Moringa stenopetala (autre espèce d’intérêt non cultivée au Togo) constituent le repas de base du peuple Konso en Ethiopie. Malgré son absence dans la région des plateaux du Togo, le Moringa est donc utilisé dans d'autres communautés comme un aliment courant. Il se répand néanmoins de plus en plus dans une grande partie de l’Afrique de l’Ouest où sa culture est simple et rapide. Il peut ainsi être facilement cultivé dans la cour d’une maison pour subvenir aux besoins d’une famille, ou en champ pour une production à plus grande échelle destinée à la vente (dans ce cas, ce sont principalement les feuilles qui sont exploitées).
Réintroduire les feuilles de Moringa dans l’alimentation est également complexe. Vonimihaingo Ramaroson Rakotosamimanana1 a étudié des pistes pour les réintroduire à Madagascar dans sa thèse. Il apparaît que les facteurs déterminant les choix alimentaires dans les pays pauvres se définissent par le prix2 et le caractère rassasiant des aliments3 mais la qualité organoleptique du produit ainsi que les habitudes de consommation ne sont pas à négliger. Il montre également que les habitudes et goûts alimentaires se forment dès le plus jeune âge4. Or, les enfants ont tendance à rejeter les aliments qu’ils ne consomment pas habituellement5. Selon ces recherches, une exposition précoce et régulière permettrait de faciliter l'adoption de cet aliment auprès des jeunes.
Les nombreuses qualités alimentaires de cette plante lui permet d'être promu auprès de nombreux programmes de développement comme un moyen de lutte contre la malnutrition.
Bibliographie :
(1) Ramaroson Rakotosamimanana, V. (2014). Étude des pratiques et croyances alimentaires pour comprendre la malnutrition à Madagascar. Intérêt de l’introduction des feuilles de Moringa oleifera.
(2) Drewnowski, A. & Darmon, N. (2005). Food choices and diet costs: an economic analysis. Journal of Nutrition, 135(4), 900-904.
(3) Alvina, M. Araya, H., Vera, G., & Pak, N. (2000). Effect of starch intake on satiation and satiety in preschool children. Nutrition Research, 20(4), 479-489.
(4) Cooke, L. (2007). The importance of exposure for healthy eating in childhood: a review. The Journal of Human Nutrition and Dietetics, 20(4), 294-301
(5) Aldridge, V. Dovey, T.M. & Halford, J.C.G. (2009). The role of familiarity in dietary development. Developmental Review, 29(1), 32-44.