Ingénieurs sans frontières participe au Global Forum d'Engineers Without Borders - International

Ingénieurs sans frontières a participé au Global Forum (Forum Mondial) organisé par Engineers Without Borders - International à Londres les 24 et 25 août 2017.
Participants du Global Forum 2017
Participants du Global Forum 2017
Engineers Without Borders International

Engineers Without Borders - International (EWB-I) et le Global Forum, kezaco ?

EWB-I s'est constitué en 2002 sous l'impulsion de Engineers Without Borders USA afin d'attirer des fonds d'entreprises qui souhaitaient financer une plateforme internationale. Son but étant de réunir également l'ensemble des structures nommées "Ingénieurs sans frontières" pour leur donner plus de visibilité et créer une image de marque. Cependant, aucune structure nationale n'y est dépendante et beaucoup d'organisations (dont Ingénieurs sans frontières France) n'en sont devenues membres, ne se retrouvant ni dans la stratégie de réseau ni dans le modèle de développement impulsé par de grosses ONG en son sein. Depuis quelques années, EWB-I organise un Global Forum, événement ayant pour but de réunir les structures membres dans le monde afin de partager et d'échanger sur leurs pratiques et leur vision du monde. Bien que n'étant pas membre, Ingénieurs sans frontières France a souhaité saisir l'opportunité de rencontrer différentes organisations et échanger sur un sujet qui lui est cher : "La formation des ingénieurs : un enjeu global ". Cette année, 48 personnes provenant de 18 pays différents ont pu s'y rendre.

Un contenu hétéroclite

La première journée était dédiée au traitement de la thématique des formations ingénieures, d'abord par la présentation par 4 experts puis par des tables de discussion en petits groupes où chaque structure présentait les actions ou réflexions qu'elle avait pu mener autour de la formation des ingénieurs. Avec autant d'organisations, ce fut évidemment très compliqué d'avoir un aperçu de ce qui avait pu être fait dans chaque pays, de différencier les contextes ou les visions de ce que devrait inclure la formation des ingénieurs de demain. Le sujet n'aura donc été qu'effleuré. On retiendra tout de même l'affirmation d'une plus grande connaissance des enjeux globaux et un élargissement vers plus de sciences sociales pour former des ingénieurs plus ouverts sur le monde et ses défis.

La seconde journée a permis à chacun de s'exprimer plus librement sur le sujet qu'il souhaitait, qu'il soit en lien ou non avec la thématique principale, permettant ainsi à tous d'aller piocher des idées chez d'autres organisations ou de présenter une idée qui lui est chère. Ingénieurs sans frontières France a choisi de présenter deux ateliers : "Sommes-nous tous des ingénieurs en puissance ? Remise en cause de la posture de l'ingénieur expert." et "Quelle place pour l'éthique dans nos métiers ?". Le premier atelier avait pour but de faire émerger une vision distincte de l'ingénieur expert (omniprésente jusque dans les ONG d'ingénieurs), nécessaire concepteur et porteur des solutions auprès de ses concitoyens. Face à cette vision de l'"ingénieur héros" sur son piédestal de savoirs techniques, Ingénieurs sans frontières France souhaitait opposer la vision d'un "ingénieur médiateur" qui agit en citoyen critique au coeur de la société civile pour vulgariser et partager ses savoirs au mieux afin que ses concitoyens puissent être les maîtres de leurs propres choix techniques, en toute connaissance de cause. Le second atelier, visait quant à lui à questionner les participants sur leur propre métier et lieu de travail : que peut-on y dire ? Comment faire lorsque nous ne sommes pas d'accord avec un choix technique qui nous paraît inacceptable éthiquement (laboratoires pharmaceutiques attirés par le profit plus que par la santé des patients, utilisations de données informatiques personnelles, extraction minière dévastatrice pour l'environnement...) ? En effet, s'il est communément admis, qu'ailleurs dans le monde des situations humaines sont inacceptables, le miroir est rarement retourné vers soi, et notamment le milieu de l'entreprise où hiérarchie et choix techniques orientés par le seul profit apparaissent de plus en plus insupportables pour bon nombre d'ingénieurs. De là à affirmer que la prolifération de départ d'"experts ingénieurs" de grandes entreprises (sans connaissance des contextes locaux) sur des projets au Sud proviendrait d'un besoin d'agir selon leurs valeurs dans un environnement plus permissif que la hiérarchie des entreprises en France, il n'y qu'un pas, facilement franchissable...

L'association en a aussi profité pour aller butiner quelques idées chez les différents partenaires. On retiendra l'émergence de discours plus affirmés sur certains sujets comme l'intégration et la place des femmes dans le milieu ingénieur ou encore la nécessité d'assécher l'ingénierie de guerre (les dépenses militaires totales représentant 1 686 milliards de milliards de dollars dans le monde en 2016!) au profit d'une ingénierie de la paix.  

Mais, le Global Forum c'est aussi et avant tout un temps de rencontres de personnes au profil très différents venues des quatre coins du monde, lors de temps plus informels, que ce soit autour d'un bon repas ou d'une visite de Londres en bus à deux étages. On peut y croiser de jeunes honduriens vivant leur première expérience associative et sortant pour la première fois du continent comme des professionnels du développement déjà bien rodés, mais les conversations en sont tout aussi palpitantes et fraternelles.

Finalement, quoi de neuf à l'international ?

Cette rencontre marque une rupture (positive) par rapport aux précédentes. Tout d'abord, l'animation à l'aide d'animateurs maitrisant des outils d'éducation populaire a permis de maximiser les échanges et la participation de tous en évitant une approche trop descendante contraignant l'expression d'une diversité d'opinions. Sur le fond, les participants ont affirmé la volonté de construire un réseau de partenaires respectant la variété des structures et des approches de chacun selon une logique d'"amitié critique". Le réseau international souhaite développer des outils permettant un partage plus systématique des projets, documents de capitalisation ou de fonds disponibles afin de favoriser plus de coopération. Enfin, et c'est peut-être l'évolution la plus importante, certains membres du conseil d'administration souhaiteraient entamer un travail de fond sur la vision et les valeurs partagées du mouvement auprès de ses membres et d'organisations non membres. Un appel du pied à une revendication de longue date d'Ingénieurs sans frontières France qui souhaite s'inscrire dans un réseau partageant des valeurs et envies communes plus que le partage d'un nom ou de fonds privés. Une évolution qui sera suivie de près par la fédération française, qui souhaite plus que jamais faire face aux enjeux globaux émergents par le partage et la confrontation de solutions locales.   

18 septembre 2017
Jérémy Billon
Thématique