Ingénieurs Sans Frontières – Ingénieur·es Citoyen·nes, pourquoi ça existe ? Pourquoi c’est la même chose ?
ISF : de professionnel du développement à mouvement d’éducation populaire
Ingénieurs Sans Frontières naît en 1982 à l’École nationale des ponts et chaussées de Paris en plein "mouvement sans-frontiériste". L’humanitaire est à la mode et la fédération grandit rapidement jusqu’à atteindre 1500 membres réparti·es en 18 groupes locaux en 1987. Cet essor se traduit notamment par les 59 « missions de développement » réalisées sur cette période. Rapidement, cette expansion nécessite de se professionnaliser en embauchant des salarié·es. Mais cela ne se fait pas sans débat et conduit à des tensions entre l’équipe nationale, professionnalisée, et les étudiant·es des groupes locaux, bénévoles. On s’y questionne beaucoup sur le sens du développement, la limite des approches technicistes, et la responsabilité des ingénieur·es dans celui-ci. En parallèle, en 2000, une crise organisationnelle touche l’instance nationale, poussant la fédération à abandonner le développement professionnel et à se tourner vers l’éducation à l’aide au développement, un sujet jusqu’alors mis de côté, plus en phase avec les groupes locaux. Les bases d’ISF, plus politisé et tourné vers la formation des étudiant·es, tel que nous le connaissons aujourd’hui sont posées.
Au début des années 2000 : la genèse du programme "Former l’Ingénieur·e Citoyen·ne"
C’est au travers des questionnements sur le sens du développement et la place des ingénieur·es dans celui-ci qu’apparaissent les réflexions autour de l’ingénieur·e citoyen·ne. La critique de l’approche techniciste du développement est aussi une critique de l’approche ingénieure, centrée sur les solutions techniques sans prise en compte du contexte sociopolitique. ISF développe alors une parole sur la responsabilité sociétale des ingénieur·es et la nécessité d’avoir une éthique pour la profession. La fédération défend l’idée suivante : pour avoir des ingénieur·es solidaires, il faut qu’iels soient formé·es en ce sens. Cela implique à la fois une formation liée aux enjeux de l’aide au développement et de la solidarité en général, mais aussi un travail sur la posture des ingénieur·es dans la société. Bingo : "Former l’Ingénieur·e Citoyen·ne", FormIC de son petit nom, est né. L’ensemble de ces idées seront inscrites dans la charte d’ISF, votée en 2002, en faisant ainsi un élément constitutif de l’identité de la fédération.
20 ans plus tard : L'élargissement des sujets, la solidarité en héritage
Plus de 20 ans après FormIC existe toujours et s’est largement émancipé des questions de solidarité internationale. Si le programme traite toujours les questions de responsabilité et d’éthique des ingénieur·es, les sujets qu’ils touchent sont plus variés : accessibilité et inclusivité des écoles, refus de la privatisation des écoles, ouverture de la gouvernance des formations, contenu des cours, posture des ingénieur·es dans la société… Autant de sujets qui se rattachent à l’idée de citoyenneté, c’est-à-dire au fait d’avoir (et de vouloir) des droits et des devoirs politiques. De même, les activités du programme se sont diversifiées. Cet élargissement des thématiques et des activités est le résultat de vingt ans de réflexions et de travail autour de la citoyenneté, mais aussi d’une ouverture des thématiques abordées par la fédération. Les questions écologiques étaient, par exemple, beaucoup moins présentes dans la vie d’ISF il y a vingt ans. Pour FormIC, leurs apparitions se sont traduites par des revendications contre l’intervention d’entreprises écocidaires dans nos formations.
Mais malgré cette ouverture à de nouvelles thématiques, la solidarité (internationale ou non) et la lutte contre les inégalités, qui font partie de l’ADN d’ISF, continuent d’être à la base du projet FormIC. En témoigne la première phrase du "Manifeste pour une formation citoyenne des ingénieur·es" : "Nous, membres d’Ingénieurs sans frontières, pensons que la prédominance du modèle technicien érigé comme universel engendre des inégalités au niveau international. […] Nous tenons à ce que [la] responsabilité [des ingénieur·es] soit guidée par l’objectif d’un changement vers plus de justice sociale et environnementale. […] Nous remettons en cause la capacité des formations en ingénierie en France à engendrer des professionnel·les capables de mettre en place collectivement cette responsabilité."
Pour en savoir plus, vous pouvez aller lire la page "histoire" sur le site d'ISF.