Herbe - Au coeur de l'intelligence verte

Olivier Porte est ingénieur formé à l’agro-Montpellier, où il a notamment participé au groupe ISF local. Sorti des études, il s’est lancé dans une aventure peu commune : la réalisation du documentaire "Herbe". Au cœur de la Bretagne paysanne, deux visions du métier d’éleveur laitier se confrontent...
Olivier Porte
Olivier Porte
Pascal Bousso

 

 

ISF Être ingénieur agronome et faire un documentaire, est-ce bien raisonnable ?

 

Oliver Porte Cela répondait plus à une envie qu’à un plan de carrière raisonné ! Pendant mon stage de fin d’études, j’ai fait des rencontres avec des agriculteurs en élevage bio, qui n’utilisaient aucuns engrais chimiques ni phytosanitaires. Cela a été une révélation pour moi : des types peuvent être à contre-courant, rechercher une autonomie par rapport à l’agro-industrie, et être particulièrement compétitifs.

Le film présente donc, d’un côté, des éleveurs qui ont fait le choix de l’autonomie en pratiquant l’élevage à l’herbe et en veillant à l’équilibre écologique des prairies. De l’autre côté, des éleveurs conventionnels nourrissent leurs vaches au maïs et au soja OGM. Le maïs nécessite beaucoup de fournitures (semences, engrais, pesticides) et le soja est importé d’Amérique Latine. Leur mode d’élevage est moins rentable, mais il est soutenu par des subventions à la production de maïs. Ces subventions, qui datent des années 90, ont été « indirectement » reconduites jusqu’en 2013, ce qui revient à soutenir les éleveurs dont les systèmes ne sont pas viables tant sur un plan économique qu’environnemental. Et cela au dépend de ceux qui ont fait le choix de l’autonomie et de la durabilité…

 

ISF As-tu touché à la réalisation de film, auparavant ?

 

O.P. Pas du tout. Je me suis demandé quelle est la meilleure façon de faire parler des agriculteurs qui font des choses formidables.

C’était aussi pour moi une façon de se situer sur le terrain pas seulement technique, mais aussi politique. Avec Mathieu Levain, un ami de lycée qui maîtrise la réalisation de films, on s’est lancé sur ce projet de documentaire. Cela a duré six mois pour le travail d’auteur, puis un an de recherche d’une société de production à Paris. Pendant ce temps je vivais de petits boulots. Au bout d’un an et demi, pas de producteur, donc on est parti à nos frais, pour réaliser le film sur trois semaines en juin 2007. Après quelques mois de montage et de peaufinage, le film est prêt depuis juin dernier.

 

ISF Tout en travaillant à la diffusion du film, tu bosses aujourd’hui chez Slowfood. Boulot alimentaire ou démarche cohérente ?

 

O.P. Depuis mai 2008 je bosse comme responsable biodiversité à l’association SlowFood, qui met en place des « projets sentinelles », dont le principe est d’appuyer en France des filières de productions dont les savoir-faire ou les variétés sont rares et menacées de disparition. Ce travail, tout autant que le documentaire, me convainc jour après jour que l’innovation vient des paysans : la position dans laquelle je me cantonne en tant qu’ingénieur, c’est de mettre en relation les gens, de favoriser les savoir faire, de valoriser l’intelligence paysanne.


Le film est disponible en streaming sur ce site

 

 

 

10 mars 2010
propos recueillis par Pascal Bousso, coordination nationale
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