1. La sécurité de l’eau et de l’assainissement
2. L’eau pour le développement rural
3. La coopération
4. « Outils et Moyens » de finance, de gouvernance et de partage de connaissances.
Autrement dit, une opportunité de conclure notre formation en grandes pompes, avec un regard nouveau, élargi sur le problème de l’eau en Afrique. Au Sénégal, l’eau est rare, la nappe de Dakar se salinise et s’abaisse à une vitesse affolante, en parallèle de nouveaux besoins propres à une métropole moderne émergent. A quelques semaines du départ, on espère entendre parler de : solutions fondées sur la nature, gestion intégrée de la ressource en eau, gouvernance adaptative, sécurité en eau, adaptation au changement climatique…
Autant de concepts étudiés pendant nos trois années d'étude, ou les solutions techniques sont pensées à des échelles hydrographiques cohérentes (bassins versants) plutôt que sur des périmètres administratifs, ou la nature est mise à contribution pour faire face aux aléas au lieu d'investir en béton, digues, barrages et usines de désalinisation. Au final, sur ces 5 jours de forum, ces concepts ne furent abordés avec sérieux et concrets que lors de conférences très occidentales, et notamment sur l’espace France (ou nous étions bénévoles).
Pour ce qui est du reste des sessions officielles, les présentations sont consensuelles. Les grands organismes institutionnels (UNESCO, FAO, …) reprennent autant de constats déjà établis depuis des décennies et de solutions faussements inovantes. Les grands barrages sur les sites non encore équipés en Afrique sont , par exemple, le mot d'ordre des think tank asiatiques.
Le Lac rose, un des hauts lieux du tourisme au Sénégal
A noter tout de même, que quelques actions directes sont mises en valeurs ; si beaucoup de ces projets ont un portage principalement occidental (l'écart avec les pays dits "en développement" reste marqué dans tout les domaines), certains émergent dans des contextes de coopération décentralisée [1] et posent les jalons vers des aménagements plus durables construits et gérés par les populations locales.
Il faut dire que le Forum mondiale de l’Eau n’a pas pour ambition de réelles prises de décisions pour accélérer l’accès à l’eau et la coopération internationale [2]. Les gouvernements ne sont que très peu représentés et le travail de plaidoyer porté par les différentes ONG portent beaucoup une vision techno-managériale des problèmes de l’eau. Ces grands organismes occidentaux sont souvent force de propositions, ils opèrent dans la création de nouveaux projets avec le transfert de nombreuses connaissances. Cependant, la mise en place de ces projets (nouveau réseau d'eau potable, station d'épuration, système d'irrigation...) requiert du temps et de la concertation, rarement en adéquation avec la technocratie européenne. A Dakar, même des micro projets de canaux évacuateurs des eaux pluviales, sont mis à mal par les habitudes des populations. Lors d'une visite, les camarades étudiants sénégalais à l'école polytechnique de Thiès constatent en riant "Encore de l'argent jeté par les fenêtres. En dépit de réels efforts, la gestion des déchets et le rapport à la rue ne sont pas suffisamment discutés en amont dans la construction de ces solutions proposées pour lutter contre les inondations. [3].
Ce Forum en Afrique a une symbolique double : il se déroule sur le continent où l’atteinte de l’ODD n°6 est encore un long chemin de croix et où les pays sont parmi les plus vulnérables aux changements climatiques, mais il s'agit également du continent ou l’ancrage des grands bailleurs institutionnels a été établi et nourri depuis des décennies.
Si ces bailleurs sont moteurs dans l’établissement des politiques publiques, ils sont néanmoins fréquemment porteurs d’idéologies propres et de modèles. En résultent, des discours souvent axés sur la rationalité économique et institutionnelle. Là ou nous espérions entendre parler
, par exemple, de désimperméabilisations,
restauration de zones humides, développement du petit assainissement collectif et gouvernance inclusive, les mots d’ordre restent barrage et finance verte. Certains projets ruraux échouent totalement car ils ne prennent pas en compte le rapport culturel à l'eau. Une source peut aussi être un esprit, une divinité pour certaines communautés; dans ce cadre comment prétendre apporter le progrès si la solution repose sur une exploitation hyper-rationnelle ?
Finalement, la question du droit d’accès démocratique à l’eau et de son inscription comme bien commun est rapidement éludée. La production et la distribution d’eau potable, ainsi que l’assainissement restent dans la plupart des pays du monde déléguées à de grandes multinationales – bien françaises.
Face à cela, les voix dissidentes peinent à se faire entendre - un contre forum a été organisé à quelques kilomètres de là [4]. Dans son viseur, on retrouve entre autre la privatisation de l'eau mise en place par la filière de Suez au Sénégal. Là encore, les collectifs citoyens européens forts d'exemples emblématiques tels que la remunicipalisation des services d'eau de Berlin et de Paris [5] pavent la voie pour les autres nations. Néanmoins, les injustices et le manque d'équipements criants dans les pays africains rendent ce défis d'autant plus difficile à relever !
Pour aller plus loin :
[1] Coopération décentralisée : Projet de coopération entre plusieurs collectivités territoriales de pays différents, cela prend généralement la forme d'assistance ou de partage d'expérience.