De l'école d'ingénieur au militantisme

Aujourd’hui sous les feux de la rampe depuis la sortie de son livre « Nicolas Sarkozy ou la Françafrique décomplexée », Samuël Foutoyet nous révèle son parcours. Ou plutôt, son odyssée. Depuis ses premières collaborations avec ISF, il a traversé des milieux professionnels et associatifs des plus divers. Une trajectoire semée d’expériences aussi riches est à faire pâlir les ingénieurs les plus éclectiques. L’éclectisme : n’est-ce pas là un des traits de l’ingénieur citoyen ?
Nicolas Sarkozy ou la Françafrique décomplexée, Samuël Foutoyet
Nicolas Sarkozy ou la Françafrique décomplexée, Samuël Foutoyet
Edition Tribord, 160 pages, 2009

ISF - Quel a été ton parcours à ISF ?


Samuël Foutoyet - Je suis entré à ISF en intégrant l’INP de Grenoble, en 2000. Les rencontres et la vie associative m’attiraient. J’y ai fait d’abord des actions autour du commerce équitable. Puis j’ai rejoint le programme « Ingénieur citoyen » nouvellement lancé par ISF. Une invitation à réfléchir : quelles sont les conséquences sociales du métier d’ingénieur ? Quelle cohérence entre notre profession et nos idéaux ? À qui profite la technique dans une société capitaliste ? Autant de questions absentes de nos formations.

Nous avons créé le Bureau des Humanités, association militant pour introduire des ateliers d’esprit critique, de sociologie ou d’écologie dans notre école. Nous avons obtenu quelques résultats. Nous avons aussi créé des week-ends de réflexion, avec des formes originales : théâtre, simulations… Je raconte ces expériences dans un rapport écrit en 2003, complété par une brochure en 2005(1).

 

 

ISF - Ingénieur de formation, comment en es-tu arrivé à une carrière dans le monde associatif ?


S.F. - Une fois mon diplôme en poche, j’ai travaillé plusieurs années comme ingénieur, en tant que responsable d’exploitation à la Générale des Eaux. Je voulais comprendre les dessous du capitalisme, je n’ai pas été déçu…(2) Écœuré par les pratiques de mes employeurs, j’ai démissionné et pris une année sabbatique. Une année de libération ! Du temps pour penser, vivre plus sereinement, remplacer un gros salaire par une grande richesse sociale. Cette année-là, j’ai découvert le livre « La Françafrique » et rencontré son auteur, François-Xavier Verschave. J’ai rejoint l’association Survie, dont je suis devenu salarié. Je me suis aussi lancé dans Les Renseignements Généreux, petite maison d’édition de brochures pédagogiques.

Pour écrire ce premier livre (ndlr : voir encadré), j’ai enquêté pendant un an sur les réseaux Sarkozy et Pasqua : sur Areva, EADS, Bolloré, l’Armée française en Afrique… J’en sors changé, tant la réalité dépasse l’imagination.

 

 

 

 

ISF - Quels sont les projets dans lesquels tu es engagé actuellement ? Te sens-tu toujours ingénieur ?


S.F. - En ce moment, nous concevons un projet d’agriculture biologique avec des amis. J’aimerais devenir « paysan militant » : paysan pour l’autonomie et la relocalisation de l’économie ; militant parce que face aux crises sociales, économiques et environnementales - et le pire reste à venir - il me semble raisonnable de s’engager dans l’action politique.

Je me sens toujours ingénieur dans le sens où j’essaye d’aborder mes engagements avec rationalité et efficacité. Il me semble rationnel, lorsqu’on étudie la situation actuelle, d’entrer en résistance. Développer les médias alternatifs, lutter contre les politiques injustes, modifier nos modes de vie, relocaliser l’économie… Pour notre avenir et celui de nos enfants, il y a tant à faire !.

Notes
1. Disponibles sur le site du projet « Former l’ingénieur citoyen » : http://formic.isf-france.org
2. Pour un aperçu de la Générale des Eaux, lire « L’eau des multinationales : Les vérités inavouables » de Jean-Luc Touly, Fayard, 2006.

 

 

 

 

22 janvier 2010
propos recueillis par Simon Paye, coordination nationale
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Groupe ISF