Créer son entreprise : une suite logique de l’engagement solidaire ? (2)

Ancien bénévole d’Ingénieurs sans frontières, Bruno Le Bansais a fondé récemment Là-Bas Magazine, un mensuel indépendant sur le monde de l'humanitaire et de l'aide au développement.
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Bruno Le Bansais

Ingénieurs sans frontères - Quel a été ton parcours au sein d’Ingénieurs sans frontières ?

 

Bruno Le Bansais - J'ai fait mes premières réunions Ingénieurs sans frontières en 2002, en fin de première année à l'école Polytechnique. On est en stage militaire durant la première partie de cette année, et je m'étais retrouvé dans la Marine pendant trois mois dans l'Océan Indien. Il s'agissait de mes premiers voyages hors de France, et les escales au Bangladesh, en Inde, à Djibouti et au Sri Lanka m'ont pas mal marqué. Après ça j'avais envie de devenir un "ingénieur utile", et Ingénieurs sans frontières est vite apparu comme une évidence. Le groupe de Paris Sud était hyperactif à l'époque (trois projets de terrain) et il y avait beaucoup de monde. J'en suis devenu le président en 2003, et la même année je suis parti en mission au Burkina-Faso sur un projet de centre de santé.

En 2004 j'ai passé la main à un nouveau président. La même année, j'ai quitté le campus de Polytechnique mais j'ai continué à aider le groupe de loin, et surtout j'ai commencé à participer aux activités de la coordination nationale. J’ai fait partie de l’équipe "accompagnement", l’équipe "eau", et plus tard "ingésud" au gré de mes déplacements à la fin de mes études et au début de ma vie professionnelle.

Des moments passés à Ingéneurs sans frontières, je retiens surtout des réunions où on allait vraiment chercher très loin tout ce qui pouvait nous rendre plus pertinents : une culture perpétuelle de la remise en question, qui me semble très saine.

 

Quel est ton souvenir le plus fort ?

 

Les journées nationales de Compiègne ! Le thème était le partenariat, et on nous avait demandé de faire venir le chef du village où l'on faisait le projet au Burkina. Énorme succès populaire, énormes soucis logistiques, surtout qu'il a failli nous claquer entre les doigts ! Il était né en 1932 et n'avait jamais été plus loin que la Côte d'Ivoire. Il s'est retrouvé aux urgences dès son arrivée et il a subi une opération chirurgicale (un problème de rein que la pressurisation de l'avion avait aggravé). Bref, rock-n-roll, mais il est maintenant rentré dans son village et tient la forme !

 

Quels ont été les liens entre ton engagement à Ingénieurs sans frontières et la création de ta propre entreprise, Là-Bas Magazine ?

 

Tout d’abord, Ingénieurs sans frontières apprend pas mal de choses utiles pour l’entrepreneuriat : le cycle de projet, la gestion des partenaires, faire du réseau, développer des idées, assurer des réunions utiles... C'est sans doute moins formateur qu'une Junior Entreprise mais ça a plus de sens.

J’ai aussi vécu l'époque où l'on a décidé de clore des projets qui ne fonctionnaient pas pour se concentrer sur les projets avec des partenaires solides. J'en ai retenu une leçon simple : si ça ne marche pas, il ne faut pas le faire. Mais si ça marche, alors n'hésitons pas. Cela peut sembler primaire mais c'est un principe important de la création d'entreprise... que tout le monde n'applique pas !

Ma démarche de création est aussi venue d'une prise de recul par rapport au fonctionnement global du monde des ONG. Elles agissent sur le terrain et racontent ensuite ce qu'elles font avec leurs mots choisis, stressées à l'idée de perdre leurs donateurs ou leurs subventions. Au final le grand public n'avait pas accès à une info indépendante, et beaucoup de sujets très intéressants n'étaient pas portés à sa connaissance.

 

Les problématiques traitées aujourd'hui par Ingénieurs sans frontières te semblent-t-elles toujours correspondre à ta vision de l'association ?

 

Plus que jamais, même si je regrette de voir le nombre de missions de terrain diminuer. L'ancrage avec le terrain est indispensable pour être légitime, même si la thématique de l'ingénieur citoyen pourrait être portée par le Nord seul.

Après, Ingénieurs sans frontières a su amener très loin des questionnements sur sa posture, les raisons de son action, et je n'ai pas connaissance d'une autre association qui ait pu faire cela. Peut-être Médecins Sans Frontières avec sa fondation CRASH, mais eux ont les moyens de détacher une cellule entière pour faire cela.

 

En quoi trouves-tu qu'Ingénieurs sans frontières a évolué depuis le temps où tu y étais ?

 

Ingénieurs sans frontières a gagné en cohérence mais a un peu perdu en présence sur le terrain. Cela fait quelques temps que j'ai commencé à diminuer mon implication à Ingénieurs sans frontières donc je ne perçois pas tout ce qui se passe, mais, au moins, tout ce que j'en vois est pertinent..

21 janvier 2012
ISF
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