Interview de Hama Amadou, chargé de mission « Renforcement des compétences en assainissement » pour l'ONG R.A.I.L
Ingénieurs sans frontières France : Quel est votre parcours ?
Hama Amadou : J'ai d'abord effectué une licence et un master de biologie à l'université de Ouagadougou avant d'effectuer un master spécialisé Water, Sanitation and Hygiene (WASH Humanitaire) à l'Institut International d'Ingénierie de l’Eau et de l’Environnement (2IE), aussi située à Ouagadougou. Il n'y a pas de formation dans ce domaine au Niger. 2IE met l'accent sur le savoir être pour des interventions dans des situations d'urgence afin de permettre aux élèves de savoir réagir face à la détresse des populations sur les lieux d'interventions. Il n'y a pas de cours dédié mais c'est une dimension portée par les professeurs au sein de la formation. Je me suis senti préparé à affronter les enjeux économiques, sociaux et environnementaux liés à ma fonction.
ISF France : Où travaillez-vous aujourd'hui ?
HA : Je suis chargé de mission pour l'ONG R.A.I.L. ( Réseau d'Appui aux Initiatives Locales ) sur un projet de renforcement des compétences en assainissement. J'anime des modules de formation dans les villages mais aussi auprès de techniciens de l'eau et de l'assainissement. Je fais principalement appel à mes compétences techniques pour préparer les contenus des formations et étudier les situations d'intervention. Nous travaillons à faire évoluer les habitudes et nous nous heurtons à beaucoup de résistance au changement. Les relations humaines sont donc essentielles. Je suis en poste depuis 7 mois. Précédemment, j'ai travaillé pendant 2 ans pour Oxfam dans des camps de réfugiés. C'était un travail plus stimulant selon moi. Je me sentais profondément utile en améliorant les conditions de vie des gens chaque jour. Même si les conditions de vie sont dures et que l'éloignement est difficile, j'ai beaucoup apprécié cette expérience.
ISF France : Vous êtes-vous déjà retrouvé dans la position d'un lanceur d'alerte ?
HA : Oui, lorsque je travaillais dans les camps de réfugiés justement. J'étais responsable de la mise en place de latrines. Il était prévu d'utiliser des tôles pour recouvrir la fosse sceptique. On s'est rendu compte que c'était dangereux, particulièrement pour des personnes qui n'étaient pas habituées à ce type d'aménagements. Nous avons alors proposé au bailleur d'utiliser plutôt des matériaux de la région, type bois. Le bailleur s'y opposait car les tôles sont facilement accessibles et transportables. Nous avons négocié pendant une semaine et nous l'avons emporté parce que les matériaux locaux étaient moins chers. Je considère qu'il était de ma responsabilité de construire une infrastructure sans danger pour les bénéficiaires.
ISF France : Vous êtes aussi vice-président de l'Association des Jeunes Professionnels de l'Eau et de l'Assainissement au Niger. Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur cette association ?
HA : L'AJPEAN s'est formé en août 2013 à l'initiative de l'Association Africaine de l'Eau qui souhaite développer ce type d'initiative dans tous les pays africains afin de développer un réseau dynamique d'acteurs. J'ai été contacté suite à un atelier du réseau Projection à Ouagadougou. L'objectif est de donner un cadre aux échanges d'expériences, internationaux et intergénérationnels, sur les problématiques liées à l'accès à l'eau. Nous sommes un noyau de 10 membres actifs mais il y a une centaine d'ingénieurs spécialistes de l'eau et l'assainissement recensés au Niger. L'AJPEAN a organisé une conférence au centre culturel français sur les eaux non-facturées en janvier 2014. C'est un problème grave au Niger, où même les entreprises ou les acteurs publics détournent les eaux. Nous menons des actions de sensibilisation et intervenons à la télévision nationale sur les eaux non-facturées, l'importance de l'hygiène autour des bornes fontaines, la législation sur le fonctionnement de ces bornes et les devoirs du fontainier envers les usagers... L'AJPEAN a aussi été impliquée dans l'organisation du 17ème congrès de l'Association Africaine de l'Eau qui s'est tenu à Abidjan en février 2014. L'association travaille directement avec le réseau Projection et Coalition Eau..