L'éducation populaire au coeur des luttes pour l'accès à l'eau

Quand de grands groupes capitalistes s’approprient les ressources en eau d’une communauté, l’éducation populaire apporte de précieuses méthodes pour lutter politiquement.
Le mouvement Nuble Libre lutte contre l'installation d'un immense barrage, mobilisant la communauté locale
Association Nuble Libre

L’année 2022 est historiquement sèche, aggravant les conflits d’accès à l’eau. Dans certaines zones en stress hydrique, comme le nord du Chili, l’usage de l’eau est pourtant réservé aux activités des industries extractives, au détriment des besoins des populations locales. Le code de l’eau, qui y a été instauré en 1981, permet à des acteurs privés d’acheter et échanger le droit d’eau sans aucune limitation. C’est l’exemple le plus symbolique d’une dynamique globale de privatisation des droits d’utilisation, de stockage, et de gestion de l’eau depuis des décennies. Même lorsque l’accès à l’eau est assuré par l’État, son approvisionnement peut être confié à des entreprises privées à caractère lucratif. De nombreux pays y ont été contraints, notamment sous la pression d’institutions financières internationales.

Face à la mainmise des acteurs privés sur l’eau, les populations affectées se mobilisent, partout dans le monde, en usant, de façon consciente ou non, des outils de l’éducation populaire. Pour Adeline de Lépinay (1), l’éducation populaire donne les moyens de « s’autoriser à » comprendre un sujet pour mieux prendre position dessus, afin d’agir pour « une amélioration de la société », vers un horizon potentiellement utopique, que l’on atteint au moyen de victoires accessibles.

Pour ce faire, il faut recourir à une pédagogie participative, favorisant l’expression du plus grand nombre, qui place  l’animateur⋅rice dans une posture horizontale vis à vis des participant⋅es. Les actions d’éducation populaire visant à favoriser l’accès à l’eau pour tous⋅tes peuvent se situer à trois niveaux stratégiques. Sans le pouvoir tout d’abord, en expérimentant des modes d’auto-organisation émancipés du système global, à l’image du système local et participatif de gestion de l’eau expérimenté en Ouganda par l’organisation GWEFODE (Gender Equality and Women Empowerment for Development) (2).

Contre le pouvoir ensuite, à travers des actions de résistance contre des projets mettant en péril les écosystèmes aquatiques, tels que des barrages ou des projets miniers. À ce titre, le mouvement social chilien « Patagonia sin represas » qui s’est développé au début des années 2010 en opposition au projet hydroélectrique HydroAysén, constitue un bon exemple de mobilisation victorieuse. Avec le pouvoir enfin, par le biais d’actions de plaidoyer pour l’adoption de textes juridiques garantissant un droit à l’eau pour tous⋅tes les citoyen⋅nes, telle que le fut par exemple la votation citoyenne sur l’eau en France au printemps 2021. À travers les formations et les actions que nous organisons, nous contribuons, à notre échelle, à transmettre des méthodes d’éducation qui permettent à tous⋅tes les citoyen⋅nes de prendre conscience de leur capacité à agir politiquement, pour construire un monde plus solidaire et durable.

Pour y contribuer à son échelle, l’équipe EAD prépare un week-end thématique qui mettra ces méthodes au service d’une meilleure compréhension des enjeux liés à l’eau et pourra donner des idées pour agir sur ces questions.

1. « Théorie : qu’est-ce que l’éducation populaire au juste ? » : https://www..org/?Theorie-Qu-est-ce-que-l-educationpopulaire-au-juste
2. « Promouvoir une gestion locale et durable de l’eau : l’action de GWEFODE en Ouganda » : https://fondationdaniellemitterrand.org/promouvoir-une-gestion-locale-et-durable-de-leau-laction-de-gwefode-en-ouganda/

16 décembre 2022
Edouard de Matteis, chargé de mission ECSI
Thématique