Quelles évolutions pour les partenariats de solidarité internationale ?

Cette question assez large est au cœur de la dernière étude sur la localisation de l’aide produite par l’ONG LAB, la mission de Coordination SUD dédiée au décryptage des évolutions à l’œuvre dans le secteur de la solidarité internationale.
Rencontres faites par les membres du projet ISF Eco'Mune
Eco'Mune, 2022

ISF est membre du réseau Coordination SUD depuis sa création en 1994. Il rassemble aujourd’hui 180 associations françaises de solidarité internationale. Cette participation apporte de la matière aux réflexions des commissions de notre CA qui travaillent sur l’identité associative d’ISF et l’évolution de nos positionnements. En particulier, cela est actuellement utile pour l’équipe PI qui bûche avec le CA sur l'actualisation de la note de positionnement de l’association concernant les activités internationales : Quels objectifs poursuivre ? Quelle stratégie partenariale adopter ? Quelle cohérence avec les autres mobilisations sociales défendues ?

Nous étions donc invité·es le 11 janvier dernier à la Cité du développement durable à Nogent-sur-Marne pour une restitution de cette étude et des ateliers perspectives permettant d'appliquer les réflexions apparues aux situations de nos associations respectives. 

 

De quoi parle-t-on lorsqu’on mentionne la localisation de l’aide ?

Le terme de localisation renvoie à l’objectif - voire maintenant l’impératif - d’impliquer des acteurs locaux et actrices locales dans la définition, la mise en œuvre et l’évaluation des projets internationaux. 

 

Lorsqu’elles sont apparues il y a une dizaine d’années, ces réflexions se traduisaient surtout pour une majorité des ONG françaises par des partenariats financiers, autrement dit des transmissions de fonds vers des organisations de la société civile des pays partenaires. Le débat sur la localisation s’est ensuite élargi à l’ensemble de la relation partenariale. Ainsi à présent, on entend également par localisation le fait que le développement dans son ensemble soit impulsé par les acteurs locaux et actrices locales des régions où sont entreprises les actions de solidarité internationale. Dans ce cas, les ONG françaises n’auraient plus qu’un rôle d’appui à la mise en œuvre de projets et de politiques. Cela produirait un véritable renversement des rapports de pouvoir qui organisent jusqu’à présent l’aide internationale. La localisation apparaît alors comme un projet « politique » dans lequel se reconnaît ISF. 

 

L’étude note ici une différence de stratégie de localisation parmi les ONG selon leurs tailles : les petites structures ont d’ores et déjà fait évoluer leurs activités partenariales grâce au renforcement de leurs structures affiliées ou de leurs antennes par le recrutement de professionnel·les locaux·ales, tandis que celles de plus grande taille annoncent vouloir le faire dans les prochaines années en renforçant leur siège et en resserrant leurs partenariats à quelques structures locales qu’elles jugent en capacité d’absorber ce changement de paradigme. 

 

Les principaux bailleurs de fonds ont également adopté une stratégie de localisation, du moins dans leurs documents cadre. Cependant, l’étude de l’ONG LAB montre que cela ne s’est pas encore traduit dans les faits, puisque la grande majorité des financements passent encore par des structures occidentales avant d’être transférés vers des partenaires. Dans le secteur humanitaire, la part des financements directs octroyés aux organisations de la société civile des pays partenaires est même en recul. 

 

Enfin, l’étude indique que le sujet de la localisation était auparavant peu conflictuel car les acteurs et actrices avaient conscience qu’iels avaient besoin les un·es des autres, mais le deviendrait à présent à travers un phénomène qualifié de “dégagisme” où les structures occidentales de solidarité internationale sont interdites de présence dans certains territoires, dont le Sahel. 

On peut ici s’interroger sur ce constat : le sujet était-il réellement peu conflictuel ou faisait-on peu de cas des revendications de nos partenaires pour préserver un système qui nous était favorable ? Le choix même du terme “dégagisme” témoigne d’une sensibilité heurtée de la part des organisations occidentales - et sûrement de nos gouvernements. 

Si les réflexions sur la localisation apparaissent dans le champ de la solidarité internationale, c’est avant tout grâce à l’impulsion des organisations issues des pays dits “des Suds”, qui ont revendiqué la reconnaissance de leurs compétences et de leur rôle primordial dans les actions qui les concernent directement. Il s’agit là d’un discours à portée politique d’affirmation de leur indépendance et d’affranchissement des formes directes ou indirectes d’influence extérieure comme peuvent l’être les actions de solidarité internationale. 

 

À ce titre, ISF réitère son soutien à ses partenaires internationaux et son positionnement égalitaire. Chaque projet, chaque action menés aux côtés d’un·e partenaire international·e est l’occasion d’apprentissages mutuels pour la fédération et ses membres qui y prennent part, et non pas d’un transfert de connaissances ou de compétences du nord vers le sud. Pour illustrer cela, rendez-vous en mars à Poitiers pour les RESIC, lors desquelles les membres du projet Eco’Mune animeront un atelier construit durant leur projet international dans le but de transformer le sentiment d’éco-anxiété en une force motrice de changement, qui met en lumière la force de ces partenariats horizontaux. 

23 janvier 2024
Théo Sultan, chargé de projet "Activités internationales"
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Groupe ISF