Les migrations climatiques : une responsabilité internationale entre solidarité et développement durable

Ingénieurs sans frontières Nord a organisé cette année les journées d'échanges et de sensibilisation à la solidarité internationale (JESSI) sur le thème "Migrations, développement et solidarité internationale : quels rapports ?". Dans le cadre de ce projet et de leur recherche sur la thématique, le groupe aborde au travers de cet article une partie des migrations qui n'a pas été abordée lors de ces JESSI, celle des migrations liées au changement climatique.
Source : NASA
Source : NASA
Crédits : Robert Simmon, NASA Earth Observatory

Qu'appelle-t-on migrant climatique ?


Les migrations sont un phénomène universel qui, depuis toujours, a vu le déplacement d’individus ou de groupes d’individus d’une zone géographique à une autre. Les raisons qui poussent l’Homme à migrer sont multiples, et nombreuses sont les migrations forcées (causes politiques ou économiques, conflits, catastrophes naturelles, persécutions ethniques ou religieuses, etc.). Le changement climatique est reconnu aujourd'hui comme une des causes de migration forcée, touchant des dizaines de millions de personnes chaque année.
La définition retenue par l’Organisation Internationale des Migrations (OIM) est la suivante : « on appelle migrants environnementaux les personnes ou groupes de personnes qui, essentiellement pour des raisons liées à un changement environnemental soudain ou progressif influant négativement sur leur vie ou leurs conditions de vie, sont contraintes de quitter leur foyer ou le quittent de leur propre initiative, temporairement ou définitivement, et qui, de ce fait, se déplacent à l’intérieur de leur pays ou en sortent. » [1]


Ce type de migration est encore peu, voire pas pris en compte à l’échelle internationale (il n’existe notamment à l’heure actuelle aucun statut officiel pour les migrants climatiques), alors même qu’il apparaît évident que les problèmes climatiques ne peuvent être résolus que d’une manière globale. C’est pourquoi les migrations climatiques ont une place à part entière dans le cadre de la solidarité internationale.

Le cas du Bangladesh et le statu quo international

Les cas de migrations climatiques sont nombreux et de natures diverses : citons l’avancée du désert de Gobi en Chine, la submersion des îles Tuvalu ou Kiribati, la fonte du permafrost des terres des Inuits, ou encore la sécheresse au Sahel [2]…

 

Au Bangladesh, la situation est particulièrement critique. La surpopulation, la pauvreté et le taux élevé de corruption du pays font qu'il ne prévoit de quitter le groupe des « pays les moins avancés » en termes de développement qu’en 2021 [3]. A toutes ces difficultés s'ajoutent les aléas environnementaux, accrus par le réchauffement climatique. Depuis 2000, le Bangladesh comptabilise plus de 70 « catastrophes naturelles majeures » [5]  à commencer par les événements les plus médiatisés : les cyclones Sidr, 2007 et Aila, 2009 — la formation des cyclones étant due à une forte élévation de la température de surface océanique et à l’évaporation de l’eau. Dans les zones côtières, chacun a fait des milliers de victimes et a provoqué la destruction massive d’habitations, d'infrastructures, de cultures et récoltes et de bétail (alors que 17 % de l’économie du pays repose sur l’agriculture [3])… À plus long terme, plusieurs effets néfastes risquent d'apparaîre : les inondations contribuant à la salinisation de l’eau et infiltrant les terres ainsi rendues infertiles, à la contamination de l’eau stagnante elle-même responsable de la pénurie d’eau potable et du développement de maladies [4]. De plus, la montée des eaux est une menace sérieuse, à moyen et long terme, pour ce pays côtier de basse altitude : 20 % de sa superficie pourraient disparaître d’ici 2050 [6]. Ces phénomènes touchent déjà plus d’un million de personnes, contraintes de quitter leur foyer pour les villes, ou, dans une moindre mesure, vers les pays voisins.


Devant une telle situation, la communauté internationale devrait garantir une protection officielle aux migrants dits climatiques qui n'ont pas actuellement pas de statut juridique officiel, ni au niveau national, ni au niveau international contrairement aux migrants économiques (protégés par l'ONU) et aux réfugiés (protégés par la Convention de Genève).


Le sujet commence tout juste à être abordé dans le cadre des négociations sur le changement climatique [7]. Certains hommes politiques d’états exposés, comme le Bangladesh ou les Philippines, mais aussi de rares spécialistes issus de pays du Nord, demandent par exemple à ce que des engagements soient pris de la part des états les plus pollueurs, en matière de financement et d’accueil de ces migrants climatiques. Ces derniers n'y sont évidemment pas favorables.

Quels risques découleraient de cette inaction internationale ? Revenons au cas du Bangladesh. Une partie des migrants cherche à s’installer en Inde, pays frontalier. Or, des tensions diplomatiques existent déjà entre ces deux pays depuis l’indépendance du Bangladesh en 1971. Ainsi, que ce soit à l’intérieur des états soumis aux aléas climatiques, ou dans les pays d’accueil — souvent, eux-mêmes aussi vulnérables — une potentielle exacerbation des tensions sociales (dispute des ressources, rivalités culturelles…) est à prévoir [7].

Quelles mesures prises contre le réchauffement climatique ?

En 1992 s'est tenu le sommet des Nations Unies à Rio. Le développement durable y été explicité et des objectifs de limitation d’émissions de gaz à effet de serre furent proposés, sans être imposés. En 1997, le protocole de Kyoto par lequel 156 états s’engagent à réduire leurs émissions de gaz à effet de serre est mis en place. Cependant, les États-Unis, l’Inde et la Chine, principaux responsables de ces émissions, refusent de le signer ne souhaitant pas entraver leur économie ou considérant que leurs émissions de gaz à effet de serre restent de toute manière moindre vis-à-vis de celles des pays occidentaux qui ont bien profité de la révolution industrielle.
La Conférence de Copenhague de 2009 n’a pas été plus efficace pour fixer des objectifs et prévoir des actions à mettre en oeuvre dans le but de ralentir le réchauffement climatique. La hausse de température d'ici 2050 doit être limitée à 2°C, sachant que le réchauffement jusqu’à aujourd’hui est d’environ 1°C et qu’il va en s'accélérant (la moitié de cette augmentation a eu lieu entre 1980 et maintenant) [8][9]. Cependant, aucun chiffre sur la limitation des émissions de gaz à effet de serre n’est proposé et l’accord final n’est pas contraignant légalement.

Quid de la Conférence de Lima (Pérou) qui s’est tenue en décembre dernier où 195 pays se sont réunis pour discuter de la protection de l’environnement et préparer un accord pour le sommet qui se déroulera fin 2015 à Paris. La limitation de 2°C a été réaffirmée et il a été proposé des garanties pour que les engagements de Copenhague soient respectés. De nombreuses idées ont été introduites, mais l’aboutissement à un accord fin 2015 est tout sauf assuré [10].


Pourtant, une des solutions pourrait être la création d’une taxe sur l’émission de CO2 pour pousser à des comportements responsables vis-à-vis de l’environnement. Cela permettrait, par exemple, la réduction de l’utilisation du charbon pour produire de l’énergie, cette ressource fossile étant une des principales sources de CO2. Par ailleurs, il est important de rappeler que nous avons tous une responsabilité individuelle et collective à adapter nos comportements afin de limiter le phénomène de réchauffement climatique et ainsi offrir un monde viable, désirable et durable aux futures générations..

[1] http://publications.iom.int/bookstore/free/MRS-31_FR.pdf
[2] http://www.liberation.fr/monde/2013/10/18/le-statut-de-refugie-climatique-n-a-pas-d-existence-juridique_940620
[3] http://www.diplomatie.gouv.fr/fr/dossiers-pays/bangladesh/presentation-du-bangladesh/
[4] http://www.forestpeoples.org/fr/region/bangladesh/news/2010/10/le-cyclone-aila-devaste-les-cotes-du-bangladesh-une-autre-victime-du-
[5] http://www.iom.int/cms/fr/sites/iom/home/news-and-views/feature-stories/feature-story-listing/climate-change-and-displacement-in-bangl.html
[6] http://www.opinion-internationale.com/2012/03/21/le-bangladesh-en-tete-de-liste-des-pays-victimes-de-la-montee-des-eaux_9494.html
[7] http://www.grotius.fr/«-en-2050-le-bangladesh-comptera-26-millions-de-migrants-climatiques-»/
[8] http://ecologie.blog.lemonde.fr/2012/01/26/la-nasa-illustre-le-rechauffement-climatique-de-1880-a-2011-%E2%80%8E/
[9] http://fr.wikipedia.org/wiki/R%C3%A9chauffement_climatique
[10] LE MONDE | 12.12.2014 - A Lima, les négociations sur le climat patinent

11 mars 2015
Ingénieurs sans frontières Nord
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Groupe ISF