Le Fonds d'Appui aux Initiatives de Collaborations Solidaires repense la solidarité internationale
Fruit d'un long travail de redéfinition du lien entre les membres d'Ingénieurs sans frontières et le Sud, le Fonds d'Appui aux Initiatives de Collaborations Solidaires (FAICS) est la concrétisation opérationnelle visant à faciliter l'émergence de formats d'action plus variés et plus pertinents pour nos membres à l'international comme pour les partenaires locaux. Longtemps cantonnée à de l'appui technique sur des projets, l'association souhaite multiplier, dynamiser, et enrichir ses contacts avec les populations du Sud. Appui à la société civile, échange entre pairs, capitalisation d'expériences ou encore appui à des actions d'éducation au développement, les options alternatives aux projets de construction sont nombreuses. Elles peinent toutefois à voir le jour, faute de financements et de remise en cause par les acteurs du développement de ces "projets types", érigés en modèle incontournable. Le FAICS ne propose pas seulement d'appuyer des formats d'engagement innovants, il incite également à repenser les pratiques de coopération au cœur même de la relation partenariale, favorisant une prise de place plus importante des partenaires au Sud. Permettre aussi à des jeunes d'ailleurs de venir en France découvrir certaines réalités, engager une réciprocité dans la relation et faire une vraie place à la co-construction au coeur des initiatives de collaboration. Deux exemples de pratiques qui remodèlent en profondeur les relations entre partenaires du Sud et du Nord.
Cette première année de lancement du FAICS avait pour objectif principal de faire gagner progressivement en visibilité auprès des membres d'autres façons de s'engager à l'international. Cette année le jury du fonds a décidé de soutenir 3 initiatives dont voici le détail :
1. Ingénieurs sans frontières Bordeaux et l'ADEIA (Bénin) ont décidé de s'unir autour d'un travail de rencontres et de recherche-action sur les enjeux et les dynamiques de l'agriculture paysanne en France et au Bénin. Ainsi, une membre d'Ingénieurs sans frontières Bordeaux est partie visiter et s'entretenir avec divers acteurs béninois (centres de formation, coopératives, associations et plateformes nationales) impulsant et encadrant l'agriculture paysanne dans la région. Puis, un membre de l'ADEIA est venu en France faire de même : rencontre avec le GRET, la chambre d'agriculture de Gironde, les AMAP, les lycées agricoles... L'objectif étant de permettre d'échanger sur les visions et réalités que peuvent prendre l'agriculture paysanne dans chaque pays et d'ainsi produire un rapport à destination du public ingénieur et des réseaux de solidarité internationale travaillant sur l'agriculture paysanne et durable. Un moyen de réinterroger les pratiques, l'accompagnement et les formations au regard des réalités de terrain. Tout dans ce projet aura été pensé ensemble, de la trame des entretiens au planning des visites, en passant par la rédaction du rapport en cours. En choisissant de mettre la réciprocité et la co-construction au coeur de son projet, tout en mêlant rencontres interculturelles et échanges entre pairs, cette initiative de collaboration se propose à la fois de construire un corpus théorique et pratique de haut niveau tout en revivifiant le fondement des pratiques de solidarité.
2. Ingénieurs sans frontières Paris Grignon, Vivre de sa Terre, et l'Université de Battambang, échangeront ensemble au Cambodge sur la découverte des modèles agricoles des deux pays et la promotion de pratiques agroécologiques plus durables au travers d'activités de partage et de rencontres d'étudiants à étudiants. Ils seront également amenés à travailler ensemble sur le projet de capitalisation de techniques agroécologiques à destination des accompagnateurs de petites structures familiales cambodgiennes coordonné par le partenaire local Vivre de sa Terre. Le transfert de savoirs ne s'impose plus du Nord au Sud. Il devient un échange réciproque, un savoir qui se discute, se transforme et se met en oeuvre conjointement sur un projet. Un des objectifs de cette initiative est de concrétiser à terme des échanges permanents entre l'école et l'Université de Battambang, un besoin réel quand on sait à quel point certaines formations ingénieures, en France et dans le monde, peuvent manquer d'un regard global et d'une diversité d'approches.
3. Enfin, le fonds a choisi de donner un coup de pouce symbolique à la collaboration entre Ingénieurs sans frontières Strasbourg et l'association franco-bolivienne Machak' Wayra sur un projet mêlant rencontre interculturelle autour des arts et construction de serres semi-souterraines. Ces serres permettront de lutter contre les conditions climatiques défavorables (pénurie d'eau, fort vent, forte différence de température) afin de diversifier l'alimentation et de permettre aux familles de dégager un revenu complémentaire. Mais, plus innovant, le groupe Ingénieurs sans frontières, l'association locale et les habitants du village, traiteront plusieurs thématiques définies ensemble comme la gestion de l'eau et la protection de l'environnement. Ces échanges seront menés de façon ludique et participative grâce à l'utilisation d'outils d'éducation populaire et d'activités artistiques (théâtre de l'opprimé, chants, contes...). L'occasion de faciliter l'émergence d'un dialogue commun autour de problématiques qui affectent le Nord comme le Sud. Pour les uns et les autres, cela permettra de mieux comprendre comment ces thématiques sont perçues, comprises et traitées de chaque côté du globe et comment mieux se soutenir pour y faire face. Croiser les regards, vulgariser les savoirs et politiser les enjeux techniques, un triptyque payant pour cette première année d'échanges.
Cette première année offre déjà une certaine satisfaction par rapport à la diversité des formats engagements qui ont pu émerger des différentes propositions. Elle doit cependant encore se renforcer et surtout se pérenniser dans le temps, afin que ces nouveaux formats soient considérés comme aussi (plus?) pertinents et légitimes aux yeux des bénévoles, partenaires et bailleurs. On attend donc avec impatience les deux prochaines sessions de sélection en 2018 et 2019 pour que les bénévoles d'Ingénieurs sans frontières puissent prouver encore une fois que l'ingénieur citoyen a bien plus à apporter que sa simple "expertise" technique, et bien plus à apprendre du Sud qu'une simple "expérience de vie". Et ainsi réaffirmer les conditions d'une solidarité internationale, humaine, à l'écoute, et profondément fraternelle. To be continued...