La gestion de l'eau potable en France
Le secteur de l’eau en France, dont la gestion voit s’imbriquer privé et public, représente un enjeu économique important atteignant 11 milliards d’euros en 2004 (1). Il constitue également un défi technique d’exploitation et de maintenance impressionnant: le réseau d'assainissement et de distribution d'eau potable s'étend sur près de 800 000 kilomètres ! Etat des lieux et identification de tendances.
Source : Fédération professionnelle des entreprises de l'eau
Graphique ISF
Situation nationale
La gestion du service de l'eau potable peut être directe et assurée par la collectivité (régie autonome) ou déléguée à une société privée (affermage, concession). Elle peut également être mixte et on parle alors de régie intéressée ou de gérance. (2)
Aujourd’hui, près de trois Français sur quatre reçoivent leur eau via un opérateur privé. À l'exception de quelques grandes villes, qui ont historiquement créé leurs propres services techniques municipaux, la régie est plutôt le fait des petites collectivités rurales. L’appréciation des risques et des coûts dans les gestions déléguées amène parfois à associer la technique de la concession à celle de l'affermage: l'entreprise privée se voit concéder la réalisation et l'exploitation d'une partie d'un réseau par ailleurs affermé.
Le recours au privé est intervenu, à l'origine, pour la mise en place des infrastructures liées à la généralisation de la distribution d'eau potable. Il s'est poursuivi, ultérieurement, pour la gestion des services mis en place et s'est imposé récemment pour la réalisation d'investissements importants - engendrés par la raréfaction de la ressource, la complexité des traitements à mettre en œuvre pour pallier la pollution croissante (d'origines diverses) de l'eau brute et les exigences sanitaires plus grandes (par exemple, diminution du seuil admissible en plomb à 25 µg/l en 2003).
Paris, un exemple capital ?
Votée en novembre dernier, la remunicipalisation de la gestion de l’eau à Paris est en marche: la régie autonome Eau de Paris créée pour assumer la responsabilité de l’ensemble de la filière eau dans la capitale est opérationnelle depuis le 1er mai 2009.
Eau de Paris, jusqu’à maintenant, était une société d’économie mixte (3) chargée de la production tandis que deux opérateurs privés se partageaient la distribution : Lyonnaise des eaux (groupe Suez) et Compagnie générale des eaux (groupe Veolia). Leur regroupement est prévu pour le 1er janvier 2010. La nouvelle entité, entièrement publique, comptera plus de 900 employés et devrait constituer une chaîne continue de service plus claire et plus efficace. L’écart de prix traditionnel entre régie et gestion déléguée se situe entre 10 et 20%.
Les Parisiens verront-ils une différence sur leurs factures? Selon Eau de Paris, le passage en régie devrait permettre d'économiser 30 millions d'euros par an, répartis entre les gains provenant d’une fiscalité plus favorable, un amortissement des investissements plus étalé et les marges dégagées par les deux majors. D’autre part, l’avenir nous dira si la qualité de service sera maintenue à long terme.
Le cas de Paris pourrait faire école car selon une enquête réalisée par l’association des grandes villes de France, 52% des collectivités envisageraient déjà de changer de prestataires et un tiers d’entre-elles seraient prêtes à considérer une remunicipalisation. La période semble particulièrement propice puisque, pour les deux tiers des collectivités locales, les contrats de délégation arrivent à échéance dans les trois ans qui viennent. Les cartes sont entre les mains de nos élus..
Notes
1. Source IFEN
2. * Régie autonome: la collectivité assure la responsabilité complète des investissements comme du fonctionnement du service des eaux.
* Régie intéressée: un régisseur privé est contractuellement chargé de faire fonctionner le service public avec, en contrepartie, une rétribution qui comprend un intéressement aux résultats.
* Gérance: la collectivité verse au gérant une rémunération forfaitaire et décide seule de la fixation des tarifs.
* Affermage: la collectivité réalise et finance les investissements et ne confie que l'exploitation des installations à un distributeur privé. Ce dernier se rémunère sur le prix de l'eau et verse une part des recettes à la commune pour lui permettre de faire face aux dépenses d'amortissement technique et de financement du réseau.
* Concession: l’entrepreneur privé construit les ouvrages et les exploite à ses frais, qu’il couvre grâce au prix de l’eau.
3. Société anonyme dont le capital est majoritairement détenu par une personne publique (ici la mairie de Paris)
4 janvier 2010
Etienne Rogeau, bénévole équipe eau
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