Impliquer les ingénieurs du Sud dans les projets: exemple d'ISF Strasbourg
Le projet GEMI vise à améliorer l’accès à l’eau potable et à l’assainissement de base des communes du département Mbam et Inoubou, par la mise en place d’une structure de gestion de l’eau. Au terme du projet, d’une durée de 4 ans, la structure intercommunale créée devra gérer l’ensemble des points d’eau du département. 8 communes rurales camerounaises sont concernées, soit 400 points d’eau et 200 000 bénéficiaires environ.
La première question qui se pose est de savoir où trouver des ingénieurs locaux compétents dans le domaine. L’IRCOD Alsace (Institut Régional de Coopération-Développement), porteur du projet, fait appel à l’expérience d’ERA-Cameroun – une ONG locale basée à Yaoundé et maître d’œuvre du projet – pour sa connaissance des acteurs de l’eau au Cameroun. Cette dernière a recensé les formations et les bureaux d’études locaux compétents pour réaliser les prestations et études relatives au projet. Les compétences locales sont ensuite mobilisées durant la phase d’exécution du projet : de manière directe en employant des ingénieurs locaux, et de manière indirecte en ayant recours à des bureaux d’étude camerounais pour réaliser diverses prestations.
Impliquer les étudiants et susciter des vocations
Dans le cadre des travaux d’ISF, toutes les études sont réalisées en binôme : un membre d’ISF Strasbourg est associé à un étudiant de l’École Nationale Supérieure Polytechnique de Yaoundé (ENSP). Ceci permet d’impliquer les étudiants ingénieurs du Sud dans les thématiques des projets. Les formations suivies n’étant pas spécialisées dans le domaine de l’eau, cette première expérience permet de motiver, de former et de susciter des vocations. Arsène, étudiant à l’ENSP en filière génie civil et stagiaire de l’IRCOD, déclare ainsi : « Avant, dans ma promotion, personne ne voulait travailler dans le domaine de l’eau et de l’environnement. Tous les étudiants voulaient travailler dans le BTP. Depuis que j’ai réalisé mon stage avec ERA-Cameroun pour le projet GEMI, tout le monde veut travailler dans l’environnement ! ».
Impulser durablement une expertise locale
Dans le contexte de décentralisation des services de l’État vers les collectivités territoriales, l’émergence de compétences techniques locales est primordiale, et leur absence se fait cruellement sentir actuellement. Ainsi, au-delà des expériences acquises par des étudiants lors de missions de courtes durées, l’IRCOD forme le personnel de la cellule projet. Celle-ci est constituée d’une ingénieure issue d’une filière génie civil de l’INSP, accompagnée de plusieurs animateurs. Cette équipe devra à terme gérer seule l’intercommunalité. Pour cela, l’ingénieure participe à de nombreuses formations spécialisées dans le domaine de l’eau - notamment au Nord, à Strasbourg. Elle bénéficiera par ailleurs de l’expérience de terrain qu’elle aura acquise au terme des 4 ans d’exécution du projet.
Si l’équipe est actuellement rémunérée par le projet et ses bailleurs du Nord, des études sont réalisées pour mettre en place des financements locaux de la structure : cotisations des usagers, subventions de l’État et des communes… Afin d’assurer à terme la stabilité d’une équipe compétente et de confiance – n’oublions pas que la corruption est omniprésente – l’ingénieure possédera un salaire motivant. Cette approche a des limites, et les obstacles rencontrés sont nombreux, mais le financement durable des ingénieurs du Sud est primordial. Seul le développement d’une véritable expertise locale financée par le Sud pourra mener à l’autonomie et à l’indépendance vis-à-vis du Nord..