ESS, moyen d'insertion des plus marginalisés ou nouveau modèle économique?

Les 23 et 24 janvier 2016 se réunissaient une soixantaine de membres et de personnes extérieures, à l'INSA de Strasbourg, dans le cadre des journées d'échanges et de sensibilisation de la solidarité internationale d'Ingénieurs sans frontières pour s'informer et débattre autour du thème "ESS, moyen d'insertion des plus marginalisés ou nouveau modèle économique ?". Petit retour sur les réflexions du weekend.
Participants JESSI Strasbourg
Participants JESSI Strasbourg
Ingénieurs sans frontières

Le milieu de la solidarité internationale et de l'économie sociale et solidaire sont deux mondes qui défendent les mêmes valeurs mais qui se côtoient assez peu en France. Pourtant, ces questions traversent Ingénieurs sans frontières depuis longtemps par notamment le commerce équitable, point de convergence possible entre les deux secteurs, et dont l’Histoire est intimement liée à celle de la fédération.

En effet, celle-ci est co-fondatrice de l'association Max Havelaar France, premier système de garantie pour le commerce équitable en France dont l'association faisait partie de la gouvernance jusqu'en 2014 et a contribué à la création de la Plate-Forme pour le Commerce Équitable (PFCE), première instance de représentation des acteurs du commerce équitable en France dont elle est actuellement administratrice.

Ces Journées d'échanges et de sensibilisation à la solidarité internationale sur le thème "Économie sociale et solidaire, moyen d'insertion des plus marginalisés ou nouveau modèle économique ?", permettaient d'éclairer les membres sur l'économie sociale et solidaire au-delà du commerce équitable, de questionner ce modèle économique en plein essor en France et à l'international, pour évaluer s'il peut être moteur d'une transition économique et enfin de interroger les membres sur le ou les modèles économiques auxquels ils veulent contribuer.

Ces journées se sont ouvertes avec une conférence dont les intervenants étaient Francis Kern, président du Colecosol, collectif des acteurs du commerce équitable alsaciens, Cassandre Maury des Jardins de Gaïa et Gérard Bureau, membre d'ATD Quart Monde et fondateur d’Initiatives solidaires.

Francis Kern a rappelé les caractéristiques de l'économie sociale et solidaire relevant d'une logique de gouvernance avec des structurations type coopérative, mutuelle ou associative et/ou des logiques d'activités (réinsertion des personnes, agriculture biologique, services sociaux, commerce équitable, etc.).

Cassandre Maury, a ensuite pu illustrer par l'exemple des Jardins de Gaïa, premier distributeur de thés biologiques et équitables, comment les outils mis en place par le commerce équitable (prix juste, primes versées, préfinancements, etc.), permettent de soutenir et d'atténuer les risques pour les petits producteurs dont les prix du marché sont déconnectés de leur réalité.

Enfin, Gérard Bureau a introduit la notion d'économie humaine en parlant de l'importance de repenser les valeurs de l'économie de marché de l'intérieur en replaçant l'homme au centre des préoccupations économiques. Il a souligné l'importance d'être acteur pour ne pas tomber dans des relations d’assistanat qui ne permettent pas d'améliorer durablement les conditions de vie des personnes.

De manière générale, les échanges avec les intervenants ont permis de montrer que dans cette économie de marché ce qu'on maîtrise le mieux c’est la solidarité qui est un bassin d'idées et de possibilités incroyables. Les services font partie intégrante de notre économie aujourd'hui. Il suffit de répondre aux besoins pour faire marcher l'économie et pas de créer la demande par la consommation de produits rentables comme l'a développé jusqu'à lors l'économie de marché. Il est important de rester ouvert sur l'international dans un contexte de débat autour du changement climatique et du retour au local pour éviter le repli sur soi et la peur de l'autre. La solidarité internationale est primordiale tant qu'elle n'est pas mise en place au détriment du local et qu'elle ne génère pas de dépendance.

Les ateliers de l'après midi ont ensuite creusé plusieurs sujets tels que la concentration des pouvoirs dans les filières agricoles (sucre, banane, café et cacao) illustrée par l'étude du BASIC et ayant donné lieu à une vidéo et un jeu pédagogique permettant d'en comprendre les enjeux.

Un jeu du pas en avant adapté par Artisans du monde a également été mis en place pour montrer les différentes conditions de vie des personnes travaillant la terre dans différents pays et aborder les inégalités des chances. Les solutions possibles pour remédier à ces inégalités ont ensuite été débattues dans le cadre d'un débat mouvant autour de trois affirmations "Il faut doubler le prix d'achat au producteur", "Il faut pouvoir exercer un travail productif et convenablement rémunéré" et "Le travail des enfants doit être interdit". A la fin de cet atelier, les participants ont établi une liste de critères qualifiant ce que l'on appelle le travail décent à savoir un travail respectant la dignité des personnes, leur permettant d'être rémunérées pour répondre à leurs besoins, épanouissant, stable, productif et sécurisant.

Enfin dans un troisième atelier, les participants ont pu collectivement établir leur modèle économique idéal grâce à un photolangage. Puis l'économie sociale et solidaire a été questionnée en tant que levier pour une transition économique. Un consensus s'est fait autour de la capacité de l'ESS à remettre les valeurs humanistes au coeur de l'économie, de redonner le pouvoir aux produteurs et aux citoyens. Ces débats avaient également été initiés lors du Forum de l'économie sociale et solidaire de Toulouse le 14 novembre dernier dans le cadre de la campagne une seule planète. 

Le dimanche matin était un temps de réflexion sur les finalités des actions des membres, pour prendre du recul sur nos activités et remettre de la cohérence entre nos moyens et nos fins. Au travers d'échanges d'expériences, les membres ont pu discuter autour des publics à mobiliser et des partanaires pertinents sur lesquels s'appuyer pour y arriver..

10 mars 2016
Bénédicte Carmagnolle, chargée de projet EADSI
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Groupe ISF