Eau et assainissement en Afrique francophone: ISF donne la parole aux ingénieurs du Sud

En 2008, la fédération ISF a débuté une étude sur le thème « La place des ingénieurs du sud, leur formation et leur insertion professionnelle dans le domaine de l’eau et de l’assainissement ». Le sujet est issu d’un ensemble de questionnements des adhérents d'ISF qui, de retour des missions de terrain, se sont interrogés sur les modalités de mobilisation de l’expertise du sud dans les projets de développement.
École Polytechnique de Thiès, Cameroun.
École Polytechnique de Thiès, Cameroun.
Photo ISF Strasbourg

Dès le démarrage, l’idée de réaliser un travail de recherche a été écartée. L’orientation choisie a été de donner la parole aux ingénieurs du Sud, afin de la diffuser et de susciter un débat dans le milieu de la solidarité internationale. Une dimension d’éducation au développement a également été souhaitée, en associant un ensemble d’acteurs à la réflexion et à la réalisation de l’étude(1) aux côtés des membres de la fédération. L’étude est cofinancée par le F3E(2) et le CFSI(3).

Plus de 200 acteurs interviewés

Le travail s’est focalisé sur trois grandes questions stratégiques : Quelles sont les pratiques de coopération dans le domaine de la valorisation de l’expertise locale de type ingénieur ? La mobilisation de l’expertise Nord nuit-elle à l’émergence d’une expertise Sud ? Comment les politiques publiques nationales encadrent et participent à l’émergence d’une ingénierie locale dans le domaine de l’eau et de l’assainissement ?

Préparées méthodologiquement par le bureau d’études belge COTA et accompagnées sur le terrain par l’ONG ERA-Cameroun et l’Institut d’Ingénierie de l’Eau et de l’Environnement, trois missions au Cameroun, au Burkina Faso et au Sénégal ont été réalisées cet été par les groupes locaux ISF Strasbourg, Limoges et Nord en binôme avec des étudiants des pays concernés. L’équipe bénévole « eau » de la coordination nationale d’ISF et le groupe de Lyon ont prolongé ce travail en France par une analyse focalisée sur la formation et les appels d’offres. Au final, ce sont plus de 200 interviews qui ont été réalisées auprès d’ingénieurs du Sud, de responsables de collectivités locales, d’ONG, d’entreprises, etc.

Premiers constats

Les pays du Sud sont engagés dans de nombreuses actions pour la réalisation d’infrastructures d’accès à l’eau et à l’assainissement, mais n’ont pas défini de véritables stratégies pour la construction d’une ingénierie locale pérenne. L’offre de formation initiale dans le domaine de l’eau et de l’assainissement est structurée d’une manière telle que ces ingénieurs sont de plus en plus spécialisés mais parfois sans lien avec les besoins du terrain. De plus, les collectivités locales et l’État offrent peu de possibilités de recrutement, ou à des conditions peu avantageuses. Ainsi les compétences de type ingénieur sont surtout implantées dans les entreprises et les ONG.

Les acteurs de la coopération décentralisée rencontrés au Cameroun et au Burkina Faso ainsi que les ONG au Sénégal ont bien intégré la nécessité de renforcer les compétences d’ingénierie locales, mais il subsiste dans la pratique un certain nombre de travers favorisant l’expertise Nord. Les ingénieurs du Sud manifestent une volonté de continuer à collaborer avec des entités du Nord tout en souhaitant avoir des accès plus ouverts aux financements et à des expériences professionnelles au Nord.

Sur la base de ce travail et des rapports d’enquêtes, des ateliers de restitution ont été organisés au Cameroun et au Burkina Faso afin de faire émerger une analyse et des recommandations collectives. D’autres espaces et outils de valorisation seront déployés et les discussions avec les pouvoirs publics locaux seront prolongées dans le courant de l’année 2010..

  1. Programme Solidarité Eau, Coalition Eau, Agence COOP DEC Conseil, Division eau et assainissement de l’Agence française de développement (AFD), Institut Régional de Coopération-Développement (IRCOD) Alsace.
  2. Fonds pour la promotion des études préalables, des études transversales et des évaluations.
  3. Comité français pour la solidarité internationale.

 

 

17 décembre 2009
Nicolas Laurent, délégué général d’ISF
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